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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/655

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dérange l’économie, par des amendemens trop peu étudiés ou même improvisés. Il est donc excellent de réunir en des comités permanens les députés qui se sont occupés d’une matière spéciale, en leur renvoyant l’examen de toutes les lois qui s’y rapportent. Il est même bon qu’il y ait autant de ces comités qu’il y a d’objets différens dont la législature doit s’occuper, afin d’appliquer à la confection des lois le principe de la division du travail, si favorable à la production de la richesse. Seulement les comités ne doivent pas être, comme aux États-Unis, nommés par le président de la chambre ; il faut qu’ils soient élus par l’assemblée législative et qu’ils n’aient pas le pouvoir d’étouffer la discussion.

L’un des pires inconvéniens du régime parlementaire est le changement trop fréquent de ministères. Il est impossible de trouver, chaque année, un nouveau personnel capable pour les divers départemens. Un portefeuille est-il confié à un homme compétent, il peut à peine se mettre au courant de ses fonctions que déjà il doit les quitter. Un dessein suivi est impossible, et cependant, il est indispensable pour certains services publics, comme l’enseignement et l’armée. Aux États-Unis, les ministres restent en place quatre ans et même huit ans, quand le président est réélu. Pendant ce temps, ils peuvent se consacrer tout entiers aux affaires publiques, ils n’ont pas sans cesse à lutter pour conserver la majorité. A mesure que le progrès de la démocratie rendra le terrain de la politique plus instable, l’infériorité du gouvernement démocratique deviendra, si l’on n’y avise, plus marquée et plus périlleuse. Le seul remède pour une république est d’avoir, comme aux États-Unis, un ministère soustrait à l’action directe du parlement, ou tout au moins, de confier la direction des administrations qui exigent impérieusement l’esprit de suite à de hauts fonctionnaires, élus par la chambre en raison de leur compétence spéciale et qui ne seraient pas obligés de donner leur démission avec le cabinet. C’est ainsi que, dans les états de l’Union américaine, l’instruction publique, le service le plus important de tous, est confiée à des surintendans qui sont élus par le peuple et qui conservent souvent leurs fonctions pendant très longtemps.

Ce qu’il faudrait encore emprunter aux États-Unis, c’est la prépondérance assurée au sénat. Plus le gouvernement devient démocratique, plus il est nécessaire qu’une place y soit réservée à tout ce qu’un pays renferme d’hommes instruits, expérimentés, prévoyans, capables de discerner ce qui est vraiment utile au bien général. C’est à la science que nous devons tous nos progrès économiques : n’est-ce pas à elle qu’il faut demander aussi le progrès politique ? La chambre haute ne doit pas représenter spécialement ce que l’on appelle le principe conservateur, sinon son autorité