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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/664

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caravelles vers les Antilles. Ces îles furent donc découvertes les premières. De là les Espagnols étendirent leurs conquêtes à la partie la plus voisine de la terre ferme ; leurs premiers établissemens se fondèrent ainsi dans la zone intertropicale de l’Amérique. Ces régions convenaient admirablement à leurs convoitises, car ce n’était pas la nécessité qui les poussait vers le Nouveau-Monde, c’était l’esprit d’aventure et le zèle religieux. Ils allaient chercher de l’or et propager la religion catholique. S’ils ont créé des établissemens durables, c’est grâce à la flexibilité de leur race et parce qu’ils ne pouvaient asseoir leur domination sur le pays qu’à la condition de s’y maintenir par la force.

Les Portugais, dans leurs entreprises sur la côte d’Afrique et dans l’Inde, obéissaient aux mêmes sentimens ; mais il venait s’y joindre un peu de cet esprit mercantile que le spectacle de la prospérité de Venise avait excité chez les nations moins guerrières que le peuple espagnol. Aussi ont-ils créé plus de comptoirs commerciaux que de colonies proprement dites. Ils n’allaient pas aux grandes Indes pour s’y établir, mais pour les exploiter et pour en rapporter, avec les épices, les riches produits d’une industrie avec laquelle l’Europe n’était pas encore en état de rivaliser. Pour s’assurer le monopole du trafic, ils établirent des forteresses dons leurs comptoirs, y envoyèrent des garnisons, firent le commerce avec des navires de guerre et entrèrent en lutte avec les naturels. Cette façon de trafiquer, ruineuse et tyrannique, ne tarda pas à porter un coup fatal à leurs possessions.

Les Hollandais, lorsqu’ils vinrent à leur tour réclamer leur part dans le commerce du monde, ne commirent pas les mêmes fautes. Ce peuple industrieux, économe et surtout navigateur, avait depuis longtemps accaparé le cabotage dans les mers de l’Europe. A l’époque où les Portugais firent de Lisbonne le grand marché des produits de l’Inde, ce furent les Hollandais qui se chargèrent de porter ces marchandises aux autres nations, et, quand Philippe II, après avoir réuni le Portugal à la couronne d’Espagne, en ferma l’accès aux marchands des Pays-Bas, ceux-ci s’en allèrent chercher les produits des Indes dans les contrées où ils naissent, et firent concurrence aux Portugais. Seulement ils se gardèrent bien de procéder de la même façon : ils se présentèrent aux princes et aux populations comme des commerçans uniquement occupés de leur trafic et profitèrent habilement de la haine que leurs prédécesseurs avaient inspirée. Plus tard, lorsqu’ils furent devenus les maîtres absolus du commerce des épices et qu’ils eurent fondé leur célèbre compagnie des Indes, celle-ci ne tarda pas à prendre d’autres allures. Pour conserver son monopole, elle ne recula devant aucune injustice, devant aucun acte de barbarie. Elle