duré assez pour que de dignes officiers, le général Velarde, le colonel d’artillerie comte de Mirasol, aient péri dans la bagarre. Cette triste échauffourée n’a pas en même un instant une apparence de succès. Est-ce à dire qu’elle soit sans gravité et qu’elle ait été absolument une surprise ? Il n’est point douteux que, depuis quelque temps, il y avait au-delà des Pyrénées tout un travail suivi et obstiné de conspiration, que les agitateurs employaient tous les moyens pour ébranler la fidélité de l’armée, que les révolutionnaires républicains étaient à l’œuvre. Le bruit d’un prochain mouvement s’était même répandu hors de l’Espagne. L’insurrection du 19 septembre n’a pu être une surprise que par le moment où elle a éclaté. Elle était préparée, on n’en peut douter ; elle a eu des complices et des instigateurs en dehors de ces pauvres diables de soldats qui ont été jetés dans cette aventure, qui ont acclamé la république sans savoir ce qu’ils faisaient et paieront pour les vrais coupables ; elle a éclaté probablement trop tôt, avant le moment que s’étaient fixé les artisans de complots ; et c’est ce qui explique la promptitude avec laquelle elle a été vaincue sans avoir eu le temps de trouver un écho dans la population et dans l’armée.
Quelles seront maintenant les conséquences de ce nouveau déchaînement de l’esprit révolutionnaire, sous un ministère qui représente fidèlement le libéralisme au pouvoir ? Qu’il y ait tout d’abord une répression énergique, d’autant plus énergique, peut-être, qu’on s’est laissé surprendre avec toutes les raisons de se défier, c’est ce qui paraît assez évident. L’état de siège a été aussitôt déclaré ; les conseils de guerre ont été organisés pour juger les coupables. Le gouverneur de Madrid, le général Pavia, a publié une proclamation des plus sévères qui, entre autres prohibitions, interdit aux journaux de parler de « faits historiques se rattachant à la discipline de l’armée et à l’ordre public. » On prend ses précautions un peu après coup contre la guerre civile. Malheureusement la répression, fût-elle une nécessité temporaire, peut n’être qu’une rigueur inutile, un remède insuffisant si on ne se rend compte en même temps de la nature et de l’étendue du mal. On se trouve en présence d’une situation évidemment troublée, et il ne serait point impossible que cette insurrection malencontreuse eût une certaine influence sur la direction des affaires d’Espagne, sur la politique ministérielle. Jusqu’ici le ministère, présidé par M. Sagasta, a vécu avec l’appui qu’il a trouvé dans tous les camps libéraux et à la faveur d’une trêve consentie par les conservateurs amis de M. Canovas del Castillo. Aujourd’hui, devant la sédition, devant les propagandes républicaines qui préparent des agitations nouvelles, M. Sagasta peut être obligé de prendre une position plus nette, d’ajourner pour le moins une partie de son programme de réformes démocratiques, où il est exposé à être abandonné par tout un groupe de ses alliés, les libéraux modérés de la nuance du général Martinez