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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/770

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SOUVENIRS

LE MINISTÈRE DU 11 AOUT.[1]

Entré aux affaires le 11 août, notre premier ministère s’est retiré le 2 novembre. Il a siégé en tout deux mois et dix jours. Durant ce très peu de temps, il n’a pu faire ni beaucoup de bien ni beaucoup de mal. Ce n’était d’ailleurs ni son lot ni sa condition d’existence. Amortir les premiers coups d’une réaction inévitable, sauver ce qui restait debout du principe monarchique, gagner du temps en parant au plus pressé, préparer enfin la réaction de la réaction, c’était notre tâche, à peu près notre plan, et tout au plus notre espérance. J’exposerai fidèlement nos perplexités, nos efforts et nos misères ; peut-être trouvera-t-on qu’à tout prendre, nous ne nous en sommes pas trop mal tirés.

Je dis nous, sous toutes réserves, car en nous-mêmes était la première et non la moindre des difficultés. Notre barque faisait eau par plus d’un côté et grand était le tiraillement dans l’équipage. Un cabinet bigarré, qui comptait sept ministres réels, effectifs, ayant charge d’âmes, et quatre conseillers bénévoles, siégeant les bras croisés, regardant les coups sans répondre de rien ni disposer de personne, mais ayant (trois sur quatre tout au moins) l’oreille du prince et le vent de la popularité, c’était, en quelque sorte, un couteau de Janot dont la lame branlait au manche sans qu’on sût précisément qui était l’un ou l’autre. Nous étions, en outre, percés à jour ; la chambre à coucher de M. Dupont (de l’Eure) était ouverte dès le matin à tous

  1. Voyez la Revue du 1er avril, de 1er mai, du 1er et du 15 juin.