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mentale qu’on nomme appétit, c’est qu’aujourd’hui l’appétit trouve à son service, chez les animaux supérieurs, des réflexes tout organisés, qui semblent mis à sa disposition comme des instrumens indépendans de la volonté. Mais ces réflexes compliqués et perfectionnés sont les résultats d’une longue évolution. De plus, ces réflexes compliqués ne se rencontrent que chez les animaux supérieurs, qui manifestent en même temps des appétits plus distincts et plus variés ; le développement des réflexes va donc de pair avec celui des impulsions de l’appétit, comme si les mêmes aptitudes à manifester des appétits de toutes sortes avaient été les conditions de l’organisation des réflexes. Enfin, selon la remarque de Wundt, « les réflexes que nous apercevons chez l’animal décapité sont les mêmes mouvemens que nous rencontrons, seulement mieux ordonnés, dans les actions volontaires des individus de son espèce ; » ce sont donc bien des effets mécaniques de la volonté qui subsistent jusque après la mort. De cette évolution des réflexes dans l’espèce nous pouvons conclure, avec Wundt, que les actions volontaires (c’est-à-dire, en somme, appétitives) n’ont pas eu pour origine les réflexes, mais, tout au contraire, que les actions réflexes sont des actions volontaires devenues mécaniques, grâce aux modifications qu’elles ont imprimées peu à peu dans l’organisation héréditaire.

Nous devons donc intervertir l’ordre des explications psychologiques qu’on a voulu tirer des mouvemens réflexes : avec du pur mécanisme on ne fera jamais ni de la pensée, ni du plaisir ou de la douleur, ni du désir ou de l’instinct ; mais, inversement, avec les effets habituels et héréditaires de l’appétit, du plaisir et de la douleur, on peut expliquer le mécanisme même et l’automatisme. Les partisans à outrance des réflexes confondent l’effet avec la cause et veulent faire sortir le plus du moins ; l’être vivant ne sort pas du squelette, le squelette vient de l’être vivant. Au lieu de dire avec MM. Spencer, Maudsley et Ribot, que la représentation intellectuelle, l’émotion et l’appétition sont le pur « reflet » des mouvemens physiologiques, il faut dire que les mouvemens physiologiques sont la manifestation extérieure, le prolongement, le côté objectif des changemens internes.

Si nous voulions étendre plus loin encore l’induction, nous dirions : ce ne sont pas les seuls mouvemens des êtres animés qui supposent, comme ressort intérieur, au moins un rudiment d’émotion infinitésimale ; mais tous les mouvemens, jusque dans le règne inorganique, sont soumis à la même loi. Les mouvemens, en effet, suivent toujours ce qu’on appelle « la ligne de la moindre résistance, « et le métaphysicien, pour interpréter ce fait, ne peut que raisonner