Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

place obligatoire ? Que dire de ces malades dangereux ou agités auxquels l’aliéniste anglais ne renonce à mettre la camisole que pour les jeter dans une cellule capitonnée, les maintenir de force avec des infirmiers ou leur appliquer des moyens de contrainte chimique, des médicamens stupéfians et narcotiques ? La camisole ne peut-elle, en certains cas, causer moins d’irritation que la contention manuelle ou la cellule ? N’a-t-on pas vu, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, des agités, qui, soumis à la réclusion, déchiraient leurs habits, se souillaient de leurs excrémens, offraient le plus affligeant spectacle ? La vérité, ce semble, est qu’il n’y a rien d’absolu en cette matière, que l’adoption du no-restraint demeure une question de budget, et qu’on ne saurait le mettre en pratique si l’on n’a beaucoup d’argent.

Les asiles des comtés et des bourgs, au nombre de soixante-trois, affectés surtout aux indigens, ne reçoivent pas de pensionnaires en principe, et, s’ils en admettent quelques-uns, ceux-ci sont toujours traités comme les autres. Sur 79,704 aliénés dont les commissioners constatent l’existence en Angleterre, ces asiles en contiennent un peu plus de 44,000, soit une proportion de 57 pour 100. D’abord facultatifs, ils deviennent obligatoires avec les lois de 1845 et 1853, qui corrigèrent cet excès de décentralisation en accordant au gouvernement les moyens de forcer la main aux récalcitrans. Désormais, chaque bourg ou comté doit avoir son asile ou s’associer avec un voisin : les juges de paix, réunis en session, déterminent les conditions principales du projet, qu’ils soumettent au conseil supérieur de Londres et au ministre de l’intérieur, votent une taxe spéciale destinée à assurer le paiement des frais, et désignent sept d’entre eux, qui constituent le comité de visiteurs. Celui-ci choisit le terrain, fait dresser les plans et devis, passe les marchés, surveille les détails de l’exécution, fixe les prix de pension, sans que ce prix dépasse 14 shillings (17 fr. 50) par semaine. Un bill de 1874 a sensiblement allégé les charges des paroisses : sous le nom de parliameniary grant, l’état fournit désormais une contribution de A shillings par semaine pour chaque indigent interné. Enfin, le comité de visiteurs nomme le personnel de l’établissement : un chapelain, approuvé par l’évêque et révocable par lui, un ou plusieurs médecins résidans, un secrétaire-trésorier, des médecins consultans ou assistans, les employés de tout ordre. Il détermine leurs appointemens, toujours fort élevés, et accorde, s’il le juge à propos, des pensions de retraite qui souvent atteignent les deux tiers du traitement. Le principal médecin résidant, chargé de la direction générale, prend le titre de superintendent : s’il jouit, en fait, d’une large indépendance, il n’est en droit que le délégué du comité, qui peut le révoquer du jour au lendemain. De telles prérogatives ne vont