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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/917

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rendre plus simple, plus expéditive et plus économique. » Quelqu’un a défini la chambre des communes : un club d’hommes riches. Ne pourrait-on dire à propos de ces aliénés de la chancellerie qu’il y a là une législation faite pour des millionnaires par des millionnaires[1] ? Déjà, d’ailleurs, la démocratie a frappé à la porte de la constitution anglaise, et la grande niveleuse, qui réalise trop volontiers la légende de Procuste, cherche, là comme partout, à renverser les injustes inégalités, les préjugés gothiques et les lois vermoulues. Mais ce peuple n’est plus au temps où Hobbes lui donnait la formule de l’égoïsme absolu, de la curée brutale : « L’homme est un loup pour l’homme, » et il a accompli des choses si rares avec le sentiment de la liberté, qu’on peut croire qu’il exécutera les autres réformes sans emprunter à l’égalité ses dogmes exclusifs, en répétant avec le penseur : Devenir, travailler, se dévouer, voilà dans tous les ordres la noble devise de l’humanité.


II

Comment se défendre de cette espérance lorsqu’on voit de quel pas a marché l’Ecosse, ce pur joyau de la couronne britannique, avec quelle audace, quel esprit d’initiative les aliénistes d’Edimbourg, cette Athènes du Nord, abordent aujourd’hui ces problèmes qui naissent sans cesse les uns des autres, comme pour montrer qu’il reste toujours beaucoup à faire ! On était resté stationnaire pendant longtemps ; jusqu’au milieu du siècle, on avait tâtonné, tenté quelques efforts partiels, bâti quelques asiles, mais l’œuvre demeurait confuse, incohérente, les bonnes volontés stériles ; les abus, cette rouille sociale, se glissaient partout, et, en 1845, lord Shaftesbury poussait en plein parlement ce cri d’alarme : « Je ne pense pas que, dans aucun pays de l’Europe ou même de l’Amérique, les aliénés indigens soient dans un état de souffrance et de dégradation comparable à celui où ils se trouvent dans le royaume d’Ecosse. » Une femme eut l’honneur de prononcer les paroles décisives, ces paroles qui sont des actes, condensent des sanglots séculaires accumulés dans le silence, subjuguent le pâle troupeau des hésitans et sonnent le tocsin de la délivrance. Miss Dix fît pour les aliénés, ces esclaves de la matière, ce que le livre de Beecher Stowe, la Case de

  1. Au mois d’avril 1886, la chambre des lords a voté un nouveau projet qui a pour objet d’augmenter la part de l’autorité judiciaire, les moyens de contrôle et de direction du pouvoir central, de fondre ensemble en les unifiant les nombreux bills promulgués sur la matière. Ce bill n’a pas encore la sanction de la chambre des communes, où certaines de ses innovations paraissent devoir rencontrer une vive opposition : il se montre peu favorable aux maisons privées et s’efforce de pourvoir à l’administration des biens des lunatiques.