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asiles privés eux-mêmes améliorent, augmentent leurs constructions. Qu’ont-ils fait? Rien ou peu de chose. Naguère encore, le plus considérable nourrissait ses malades avec le bœuf qui avait déjà servi à faire le bouillon des hôpitaux. Le vêtement marche à l’unisson : sous le nom de vêtemens de succession, les quartiers d’hospice affublent d’habits qui proviennent des décès leurs fous, qui achèvent d’user cette triste défroque. Beaucoup d’aliénistes estiment qu’il faudrait couper le mal dans la racine, détruire ces débris d’un autre âge ; mais des préoccupations budgétaires empêchent la commission de soutenir cette mesure radicale, elle espère changer la situation au moyen de quelques réformes : chaque quartier d’hospice confié à un médecin en chef, préposé responsable, assimilé aux médecins des autres asiles: les gardiens ou servans soumis à son agrément: le budget général de l’hospice et celui eu quartier des aliénés établis distinctement, de manière à empêcher la spoliation de celui-ci au profit de celui-là.

C’est un fait d’observation générale que. dès qu’un nouvel établissement s’ouvre aux indigens, il se remplit immédiatement d’aliénés qui passaient inaperçus : on y laisse s’entasser les incurables et inoffensifs, qui usurpent la place des malades curables et produisent un encombrement des plus fâcheux. Les uns ont proposé de laisser à domicile ou dans leurs familles les idiots, crétins et imbéciles; d’autres veulent les interner dans des maisons de refuge, qui coûteraient beaucoup moins ; ceux-ci préfèrent les colonies sur le modèle de Gheel ; ceux-là tiennent pour des établissemens fermés, avec des annexes, cottages dispersés, ateliers variés, permettant de recevoir la population dont on peut utiliser le travail. L’Allemagne, avec ce dernier système, a obtenu de remarquables résultats ; l’Italie se dirige dans cette voie, et il y a longtemps que notre asile de Clermont est cité comme un modèle du genre. Quant à la méthode de Gheel, les essais d’application tentés dans nos départemens ont échoué; nos aliénistes se montrent peu favorables au système des secours à domicile lorsqu’il s’agit de véritables aliénés, encore moins à l’abandon dans la famille ou la vie libre des idiots et idiotes. De telles questions demeurent livrées à l’initiative des conseils généraux; mais il en est deux sur lesquelles la commission appelle l’intervention de l’état : l’éducation des jeunes idiots, le traitement des épileptiques. L’assistance publique confond l’idiot et l’aliéné, malgré la différence essentielle qu’Esquirol formulait d’une façon si saisissante. « l’idiotie, disait-il, n’est pas une maladie, c’est un état dans lequel les facultés intellectuelles ne se sont jamais manifestées; l’homme en démence est privé de biens dont il jouissait autrefois, c’est un riche devenu pauvre; l’idiot a