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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/236

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démontrant à M. Sarrien qu’il n’y avait eu qu’un malentendu, une fantaisie d’indiscipline dans la majorité, que les radicaux regrettaient déjà la faute qu’ils avaient commise, — que, dans tous les cas, l’échec de la discussion sur Vierzon, si échec il y avait, était moins pour le ministre de l’intérieur que pour la politique du cabinet tout entier. C’était peut-être vrai ; seulement M. le président du conseil ne s’est point aperçu qu’il s’accusait lui-même, que si l’interpellation sur les affaires de Vierzon mettait en cause la politique du gouvernement tout entier, c’était à lui de se trouver là où la lutte s’engageait, d’aller porter avec M. le ministre de l’intérieur le poids du combat. S’il eût été présent, il eût vraisemblablement réussi à détourner le coup ou à l’atténuer par son habileté dans l’art des diversions et des évolutions. Le mal une fois fait, essayer de le pallier en évitant de se sentir blessé et en s’épargnant ainsi l’épreuve d’une reconstitution ministérielle qui allait mettre en jeu toutes les ambitions, c’était peut-être ingénieux ; c’était, au demeurant, un expédient encore plus qu’une solution. M. le ministre de l’intérieur a-t-il été absolument convaincu par tout ce que lui a dit M. le président du conseil ? Il faut le croire, il a été du moins assez touché par l’éloquence de M. de Freycinet pour se prêter à l’expédient, pour ne plus insister sur sa démission, et ceux de ses collègues qui avaient eu l’air de vouloir le suivre n’avaient plus dès lors aucune raison de retraite immédiate. M. le ministre des finances, qui avait une position à part, qu’on avait paru un peu oublier dans cette dernière phase de la crise, a fini, puisque tout le monde restait, par rester lui-même, attendant les chances de son duel avec la commission du budget devant la chambre. Le rideau est tombé sur cet acte nouveau de l’imbroglio parlementaire.

De quel nom maintenant peut-on caractériser ce qui vient de se passer, cette manière de sortir d’une crise par elle-même assez médiocre ? C’est ce qu’on appelle vulgairement un replâtrage : le ministère, un instant chancelant et menacé de disparaître, a repris une apparence d’équilibre et de vie. Il n’est pas moins évident qu’aujourd’hui comme hier il est à la merci d’un incident, d’une interpellation, qu’il a tout juste la force et le crédit d’un gouvernement qui ne vit que sous la tolérance des partis, en se prêtant à toutes les complicités, en épuisant les condescendances et les subterfuges. M. le président du conseil semble croire que c’est le dernier mot de l’art de gouverner, que tout consiste à échapper aux petites crises, à savoir plier à propos, à vivre en prolongeant le plus possible cette équivoque qu’il appelle la concentration républicaine, qui n’est que le déguisement d’un système de concessions graduées, indéfinies au radicalisme. C’est sa tactique et sa politique. Il n’est pas encore à l’extrémité où il peut être conduit ; il est manifestement sur le chemin où les complaisances et les concessions s’enchaînent et se succèdent. M. le président du conseil est