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Il lui avait répondu que sa politique, toute pacifique, ne lui permettait pas de sortir d’une situation expectante, à moins d’être appelé d’un commun accord par la cour des Tuileries, par le pape et par le cabinet de Florence à servir de médiateur, que le roi Guillaume portait une égale sollicitude à ses sujets protestans et à ses sujets catholiques, et que prendre fait et cause contre le saint-siège serait peu généreusement créer des embarras aux gouvernemens bavarois et wurtembergeois qui venaient d’arracher à leurs chambres, après de laborieux efforts, en lutte avec les influences ultramontaines, la sanction des traités d’alliance.

La cour de Prusse, cela ressortait de toutes ses manifestations, n’était nullement disposée à se départir du programme qu’elle s’était tracé après l’entrevue de Salzbourg ; elle entendait rester étrangère à toute complication extérieure tant qu’elle ne se serait pas assimilé ses nouvelles conquêtes et tant que les armées du nord et du midi ne se seraient pas fusionnées dans une même organisation.

L’empereur éprouvait un véritable soulagement en voyant le cabinet de Berlin approuver notre intervention et répudier toute solidarité avec la révolution italienne. Prompt à céder aux illusions, il se plaisait à voir dans la correction de son attitude le retour aux sentimens qu’on nous témoignait à Berlin avant 1866. Il croyait, en se rappelant les protestations conciliantes dont il avait été l’objet lors de l’exposition universelle, que M. de Bismarck, sincèrement converti à de nouvelles tendances, prendrait à honneur de lui faire oublier l’affaire du Luxembourg et qu’il lui faciliterait la tâche en s’associant à ses efforts pour résoudre le problème romain. Le discours que le roi avait prononcé à l’ouverture du Landtag était de nature à confirmer ses espérances.

Les parlemens s’étaient ouverts en quelque sorte simultanément à peu de jours d’intervalle, le 15 novembre à Berlin, le 17 à Paris et le 19 à Londres, dans de dramatiques circonstances, au lendemain de Mentana, sans que personne pût prévoir comment se résoudraient les redoutables problèmes sortis des événemens de 1866. Pour rassurer les esprits, les souverains avaient manifesté une quiétude qu’au fond du cœur ils n’éprouvaient pas. Ils s’étaient appliqués à donner le change à l’Europe par de conciliantes déclarations sur les questions qui l’agitaient et la divisaient profondément. Le roi Guillaume avait fait allusion à son séjour à Paris en parlant des entrevues personnelles qu’il avait eues dans le courant de l’été avec plusieurs souverains étrangers pour en tirer des conclusions pacifiques. Il avait constaté que « les récentes inquiétudes causées par deux grandes nations avec lesquelles il était