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suffirait d’accepter l’invitation pour faire échec à l’Italie. « Je ne crois pas au succès de la conférence, disait Pie IX au comte de Sartiges, mais du moment que l’empereur croit et veut tenter cette nouvelle expérience, je ne contrarierai pas son projet. Je lui ai trop d’obligations pour ne pas répondre à son appel, bien que ce soit m’embarquer sur une mer inconnue. Mais il ne faut pas que l’Italie s’imagine que je reconnaîtrai qu’elle a bien agi en volant les quatre cinquièmes des états de l’église; des faits accomplis ne sont pas des droits acquis, et jamais je ne sanctionnerai les spoliations dont j’ai été victime. » Pie IX, d’ailleurs, trouvait que la conférence était convoquée prématurément, que les passions révolutionnaires en Italie étaient encore trop surexcitées pour permettre de compter sur un résultat. « Si le congrès de Vienne, disait-il, a pu assurer vingt années de paix à l’Europe, c’est qu’il y avait des vaincus et des vainqueurs, tandis qu’aujourd’hui personne ne se tient pour battu. »

Quant au cardinal Antonelli, il était animé envers l’Italie, après la victoire de Mentana, des mêmes sentimens de colère qu’au lendemain de la défaite de Castelfidardo. Depuis cette date funeste pour l’église, il en était toujours à se souvenir des violences de l’Italie, sans tenir compte des nécessités qui s’imposent aux faibles; il n’avait rien oublié ni rien appris, et cependant il gouvernait à Rome. Aujourd’hui que la papauté nous devait son salut, il rappelait avec orgueil qu’il avait toujours annoncé que le saint-siège rentrerait en possession des provinces qui lui avaient été arrachées.

Le cabinet de Florence, en apprenant l’adhésion du pape, vit le spectre de Banquo se dresser devant lui ; il fit un mouvement de recul qui se manifesta à Berlin et à Londres avant de se produire à Paris. Il refusa de s’associer à nos démarches auprès des puissances pour leur recommander le congrès, il réclama une entente préalable sur les questions qui seraient soumises aux délibérations. Il était pénible à l’Italie de comparaître devant l’Europe pendant qu’une armée étrangère campait à Rome. Elle demandait l’évacuation préalable, et elle ne pouvait obtenir que des départs partiels et des concentrations de troupes qui n’étaient que le simulacre de la retraite. Le comte Menabrea aurait voulu nous amener à des explications qui lui eussent permis d’affirmer que, dans aucune hypothèse, les résolutions de la conférence ne seraient défavorables à l’Italie. Mais cette assurance, le cabinet des Tuileries ne pouvait la donner sans mécontenter le parti catholique. Là était le secret des indécisions du ministre de Victor-Emmanuel et des contradictions de sa diplomatie. Pour se justifier, il cherchait des argumens un peu partout. Il disait ne pas se soucier d’un nouveau congrès de Vérone, bien que l’empereur eût prouvé à l’Italie combien il était