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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/412

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plus favorisée, clause dont pourraient se prévaloir les nations étrangères. En réalité, celles-ci n’ont aucun intérêt sérieux à s’opposer à l’affranchissement en France des produits tunisiens : grâce, en effet, à une disposition précieuse de la loi du 17 juillet 1867, les produits tunisiens peuvent entrer en franchise en Algérie par la voie de terre et de là en France, où ils échappent à la douane française comme provenance algérienne : cela sauvegarde en partie les intérêts de l’agriculture, en imposant, toutefois, à ses récoltes des détours qui équivalent à une augmentation de frais ; mais le grand inconvénient de la continuation du régime actuel, c’est qu’il sacrifierait absolument la ville de Tunis et le port de Tunis. Le moment est favorable pour obtenir des puissances leur consentement à ne pas se prévaloir de la franchise que nous accorderions aux produits tunisiens et leur renonciation sur ce point à la clause de la nation la plus favorisée. Peut-être même pourrait-on se passer de consulter les nations étrangères et, par un simple article de notre loi du budget, déclarer que les produits tunisiens, venant directement de Tunis, seront reçus en franchise en France, de même qu’ils le sont déjà en Algérie. Le régime du protectorat doit être maintenu en Tunisie, mais les liens de la contrée protégée avec la contrée protectrice doivent être de plus en plus resserrés. Une fois accomplies ces réformes urgentes, nous serons tranquilles sur l’avenir de la Tunisie. Les énormes capitaux qui se forment chaque année en France et qui cherchent avec anxiété, sans le rencontrer, un intérêt sûr de 4 1/4 ou 4 1/2 pour 100, les forces perdues qui se lamentent sur l’encombrement des carrières, peuvent se rendre dans ce pays si bien doué de la nature. Il faut, toutefois, que les colons se souviennent toujours qu’il est trois conditions nécessaires à la prospérité des colonies : l’énergie, la persévérance et le temps.


PAUL LEROY-BEAULIEU.