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entre le Dieu libérateur et la tribu délivrée supposait un immense progrès moral. Nous avons cherché à montrer, ici même[1], que ce progrès doit être rapporté à la grande école des prophètes, en partie légendaires, Élie et Elisée.

C’est surtout par la manière dont il fixa les contours de la législation censée mosaïque que le premier rédacteur de l’Histoire sainte se fit dans l’évolution d’Israël une place à part. Son livre fournit le cadre de tous les développemens postérieurs de la Thora. Le deutéronomiste ne fit que l’imiter ; les pandectes juridiques, résultat du travail religieux qui amena, accompagna et suivit la restauration du temple de Jérusalem, ne firent que le copier et le commenter.

La révélation a lieu, selon le jéhoviste, dans ce redoutable entassement de montagnes rocheuses et métalliques qu’on rencontre dans la péninsule arabique, six ou sept jours après avoir quitté l’isthme en allant vers le sud. Un effroyable orage couronne les sommets. Le peuple tremble, se tient à distance, Moïse seul s’approche des ténèbres où est Dieu. Il en rapporte le petit code que voici[2] :

Tu me feras un autel de terre, et tu immoleras dessus tes oloth et tes selamim[3], tes brebis et tes bœufs. En tout lieu où j’attacherai mon nom[4], je viendrai vers toi et je te bénirai, et si tu me fais un autel de pierres, tu ne le bâtiras pas en pierres de taille (de telles pierres sont profanées par cela seul qu’on a passé le fer sur elles). Et tu ne monteras pas à mon autel par des degrés, de peur que, quand tu es dessus, ta nudité ne paraisse.

Le prêtre, dominant les foules du haut d’un autel élevé, déplaisait à ces tribus restées nomades et patriarcales. On se rabattait, pour critiquer les autels exhaussés par des marches, sur un inconvénient tout matériel. Les gens placés au pied d’un escalier raide pouvaient avoir la vue choquée. A Jérusalem, les degrés sont prescrits[5] ; aussi les prêtres portent-ils des caleçons[6]. Après ce résumé du culte de Iahvé, comme l’entendaient les

  1. Voyez la Revue du 15 mars.
  2. Exode, XX, 24 et suiv. jusqu’à XXIII, 10, inclusivement. Le chapitre XXXIV de l’Exode est une reprise postérieure et affaiblie, que le dernier rédacteur n’a pas voulu perdre.
  3. Noms de formes particulières de sacrifices.
  4. Les anciens lieux de culte ont été désignés par Iahvé, qui y a attaché son nom par quelque manifestation. On saisit ici l’opposition contre le temple unique de Jérusalem.
  5. Exode, XXVII, 1 ; Lévit., IX, 82 (textes se rapportant au second temple).
  6. Exode, XXVIII, 42 et suiv.