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Sonoma, de Napa, de Santa-Clara et d’Amador que la culture de la vigne devait se développer. On estime qu’en 1848 il n’y avait encore que 200,000 ceps en rapport portant un raisin à gros grains d’un bleu noir et de peu de saveur ; on en tirait un petit vin léger, se conservant mal. En 1853, 1854 et 1855, on commença à importer des plants étrangers originaires de France, d’Espagne, d’Allemagne et des États-Unis. Partout, ils prospérèrent, donnant une moyenne de 10,000 kilogrammes de fruits à l’hectare. L’absence de grands froids, de grêle et d’orage favorisait la croissance du plant et la maturité des grappes ; le climat, nettement divisé en saison pluvieuse et en saison sèche, permettait les vendanges tardives dans d’excellentes conditions ; l’oïdium était inconnu ; enfin, les terres à vignobles valaient de 200 à 500 francs l’hectare, prix très inférieur à celui des mêmes terres en Europe. En revanche, la main-d’œuvre était fort chère ; on ignorait l’art de faire le vin, on manquait de fûts et de chais, et enfin l’intérêt de l’argent était exorbitant.

En dépit de ces obstacles, les plantations de vignes se multiplièrent, grâce à l’énergie et au travail de nos compatriotes, qui ont définitivement doté le pays d’une industrie appelée à un grand avenir. Aujourd’hui, la Californie possède plus de 30 millions de ceps, mais la plupart des grands vignobles ont passé dans des mains étrangères. Le plus considérable de tous, celui de l’association viticole de Buena-Vista, compte 200,000 ceps, celui de B.-D. Wilson à San-Gabriel, 200,000 ; L.-J. Rosa, dans la même localité, 130,000 ; Matthew-Relier à Los-Angeles, 100,000 ; R. Chalmers, à Coloma, 100,000. La plupart de ces vignobles portent de 1,400 à 1,600 ceps à l’hectare. Les vins californiens sont, en général, de qualité médiocre, foncés en couleur et dépourvus d’arôme. Les vins mousseux sont les plus appréciés ; on en produit 3,000,000 de bouteilles par année.


II

De 1855 à 1857, l’attention se portait de plus en plus vers l’agriculture. Les mines, tout en rendant beaucoup, n’offraient plus ces chances de fortunes rapides qui agissaient si puissamment sur les imaginations. Le commerce se régularisait ; plus de ces fluctuations subites qui laissaient croire à tous que la chance les favoriserait un jour. L’ordre régnait dans les rues de San-Francisco à la suite de l’énergique intervention du comité de vigilance, le calme revenait dans les esprits enfiévrés par sept années d’efforts incessans et de secousses de tout genre. De temps à autre cependant, des rumeurs vagues parties de l’étranger ou d’un coin reculé des mines venaient réveiller les ardeurs passées et les passions calmées. En 1854, les