Chacun se faisait sa Thora, et beaucoup de ces compositions éphémères ont sans doute disparu pour nous.
Les vingt ou vingt-cinq années qui suivirent la transportation furent de la sorte une époque de haute activité créatrice. Presque toute la partie sacerdotale et lévitique de la Thora nous paraît, quant au fond, de cette époque ; la forme fut ensuite plusieurs fois remaniée. Comme Jérémie fut l’inspirateur du Deutéronome, Ézéchiel fut l’inspirateur du Lévitique. Les trois degrés de la civilisation religieuse chez les Hébreux se distinguent ainsi fort nettement : un premier âge, caractérisé par une hauteur grandiose s’exprimant en formules simples que le monde entier a pu adopter (c’est l’âge des prophètes anciens) ; un second âge, empreint d’une moralité sévère et touchante, gâtée par un piétisme fanatique très intense (c’est l’âge du Deutéronome et de Jérémie) ; un troisième âge sacerdotal, étroit, utopique, plein de chimères et d’impossibilités (c’est l’âge du Lévitique et d’Ézéchiel). Comme toutes les grandes choses, la Thora juive est anonyme, pas à ce point, cependant, que derrière ce texte, devenu sacré au plus haut degré, ne se dessinent trois ou quatre grandes figures, Élie (tout légendaire), Isaïe, Jérémie, Ézéchiel.
On sait que la dynastie perse, depuis son établissement (536 av. J.-C), se montra bienveillante pour les exilés israélites et favorisa leur retour en Judée. Des membres nombreux de la maison de David existaient encore ; ils acceptaient pleinement la suzeraineté des Akhéménides. Il semblait naturel que la restauration se fit sur la base de l’ancienne dynastie rétablie dans ses honneurs. Le retour s’effectua, en effet, sous la conduite de Zorobabel, prince de la maison de David. Puis Zorobabel disparaîtrait ; à sa place, nous trouvons un grand-prêtre tout-puissant, qui paraît cumuler les fonctions de prêtre et de roi ; c’est Josué, fils de Josadak. Il y eut là, selon toutes les apparences, une révolution violente, dont nous avons l’écho dans les écrits des prophètes Zacharie, Aggée et peut-être dans le livre des Psaumes[1]. Ce qu’il y a de certain, c’est que le régime de Jérusalem, sous la domination des Perses, fut tout sacerdotal. Le grand-prêtre était le véritable souverain. Une armée de prêtres en sous-ordre se groupait autour de lui et vivait de l’autel. Le culte de l’ancien temple avait été extrêmement simple[2] ;
- ↑ . Comp. Zach., III, 18 ; VI, 12-13 ; Aggée, I, 1 ; Ps. CX. Voir, à propos de ce psaume, les combinaisons ingénieuses, parfois un peu forcées, de M. Grætz.
- ↑ Les détails donnés à cet égard par le livre des Chroniques, livre tout sacerdotal, du IVe siècle seulement avant Jésus-Christ, sont des transpositions du second temple au premier.