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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/83

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n’était-il pas étroitement lié au maintien de son prestige et de sa puissance? Il était évident que la question de prépondérance, posée entre la France catholique et la Prusse protestante, se résoudrait inévitablement, dans un avenir prochain, sur les champs de bataille, et que, si nous succombions, le pouvoir temporel subirait fatalement le contre-coup de nos revers. Sans abandonner les formes du respect, nous aurions pu déclarer que nous entendions sortir d’une situation fausse qui compromettait nos plus graves intérêts, que nous étions forcés, après tant de stériles conseils et de si lourds sacrifices, à renoncer dorénavant à toute intervention armée. Nous étions autorisés à faire comprendre au pape l’urgence de se prêter à un modus vivendi avec l’Italie, qu’il avait, à son avènement au saint-siège, poussée dans la voie des revendications nationales. On a toujours le droit, lorsqu’il y va de son propre salut, de sauver ceux qui ne savent ou ne veulent pas se sauver eux-mêmes. Les âmes catholiques eussent été froissées sans doute par une attitude aussi décidée ; elles eussent protesté contre des arrangemens imposant à la papauté de nouveaux sacrifices, mais, si Pie IX, dont la parole enflammée avait, en 1849, donné le branle aux aspirations italiennes, les eût subis, son successeur, qui, heureusement pour l’église, sait compter avec les nécessités de son temps, n’en serait pas réduit à dépenser son habileté à concilier les intérêts les plus divergent. Léon XIII, au lieu de prier, relégué au fond du Vatican, pontifierait et bénirait aujourd’hui à Saint-Pierre, urbi et orbi, réconcilié avec l’Italie.

L’empereur, bien qu’engagé avec le pape et les catholiques, penchait plutôt du côté du parti libéral, qui soutenait qu’il fallait laisser l’Italie et le saint-siège s’arranger au mieux de leurs intérêts. Il ne demandait qu’à quitter Rome, il sentait que, plus il y resterait, moins il lui serait facile d’en sortir, mais les solutions radicales lui répugnaient. Il frappait à toutes les portes pour trouver une issue qui lui permît de se débarrasser avec honneur, sans mécontenter personne, du fardeau qui pesait sur sa politique. Sa position était des plus embarrassantes entre des exigences opposées, inconciliables. Toutes ses combinaisons avaient échoué l’une après l’autre, toutes les feuilles sibyllines étaient déchirées ; notre intervention était une nécessité et non une solution. La question romaine nous était retombée sur les bras de toute sa pesanteur. La situation était redevenue ce qu’elle était avant le traité de 1864, avec cette différence qu’au lieu de nous offrir des garanties contractuelles, l’Italie, aussitôt remise de ses alarmes, en face de nos hésitations et forte de l’appui moral qu’elle trouvait à Londres et à Berlin, constatait la déchéance de la convention du 15 septembre et ne voulait plus rien garantir du territoire pontifical. Elle n’abandonnait ni ses aspirations