l’empire, persécuteur des saints et le peuple juif, meurtrier du Christ ; mais, de même que la Bible était, à leurs yeux, la préparation de l’évangile, qu’elle annonçait par des symboles, de même la domination de Rome païenne semblait être la figure de l’empire que Rome chrétienne devait exercer sur le monde par la religion. Ajoutez que les évêques romains ne pouvaient s’empêcher de vouloir égaler les succès de la foi à ceux des armes et de la politique. Les monumens, même en ruine, le souvenir à demi effacé, ou, si l’on veut, la parodie des institutions anciennes, la lecture des poètes et des historiens, les noms des lieux et des hommes, ces vieux noms nobles que portaient parfois les pontifes, tout les conviait à prendre la place de l’empereur absent. « Il est, dit un poète romain du VIe siècle, de l’honneur de la ville que le monde obéisse a sa foi. » Virgile avait dit :
Fides a remplacé imperium, mais le disciple de Virgile a comme son maître l’ambition que la ville commande à l’univers.
Pourtant le glorieux souvenir de Rome ne fut point l’arme dont se servirent les papes dans la lutte contre les patriarches : c’est dans l’histoire de l’église des premiers jours, persécutée et martyrisée, qu’ils cherchèrent et trouvèrent des titres à la primauté. Les Byzantins prétendaient mesurer l’importance d’un siège ecclésiastique au rang de la ville où il était établi. À ce compte, Constantinople, capitale de l’empire, passait sans conteste capitale de l’église. Le pape soutint que la provenance apostolique seule faisait la dignité des églises. Ainsi, tout en gardant le bénéfice de la grandeur profane de Rome, il s’assurait à jamais contre les hasards et les accidens de la politique. La primauté du siège romain reposait sur la pierre même où le Christ a établi son église, et la Rome nouvelle avait comme l’ancienne « sa roche immobile. »
Nul mieux que Léon le Grand ne s’est entendu à mettre en valeur, si je puis ainsi dire, saint Pierre et ses mérites. Un jour, il écrivait aux pères d’un concile : « Quand le Seigneur demanda : « Que disent les hommes du Fils de l’homme ? » les disciples rapportèrent les opinions diverses, mais comme ils cherchaient ce qu’eux-mêmes devaient croire, Pierre exprima par quelques mots la plénitude de la foi en disant : « Tu es le Christ, fils du Dieu vivant. — Tu es bienheureux, repartit le Seigneur, car ce que tu viens de dire, ce n’est pas le sang ni la chair qui le l’a révélé, c’est mon père qui est au ciel. Et moi je te dis : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. » — Pierre est donc le témoin par excellence