Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/912

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La présentation en fut faite à la chambre des communes, le 13 avril, et le premier ministre en développa un éloquent et chaleureux commentaire, déclarant qu’il considérait ce projet comme l’unique moyen de rétablir l’ordre social en Irlande en dehors du recours continuel à la pénible nécessité de la répression des crimes. En vertu des dispositions de la future loi, les autorités publiques constituées en Irlande sous le régime du home rule (parlement indépendant et pouvoir exécutif responsable devant ce parlement) se déclaraient prêtes à acquérir les terres de tout landlord désireux d’aliéner son domaine, et à en transférer la propriété aux fermiers. Une commission spéciale serait instituée par le gouvernement irlandais pour déterminer dans chaque cas particulier le prix d’acquisition sur la base de vingt années de fermage, avec pouvoir d’augmenter ou de diminuer la somme selon les circonstances spéciales. Le montant du prix déterminé serait avancé au gouvernement irlandais par le gouvernement impérial, au moyen d’une émission de Consolidés. Le fermier acquéreur s’engageait à rembourser en quarante-neuf termes annuels égaux la somme dont il devenait débiteur à l’égard du gouvernement de son pays[1]. Ces annuités, ainsi que tous les produits des taxes irlandaises, devaient être versées entre les mains d’un receveur-général nommé par le gouvernement anglais (précaution injurieuse, crut devoir protester M. Parnell), et sur cet ensemble de recettes serait prélevé, comme première charge, le remboursement dans des conditions déterminées des avances faites par le gouvernement impérial.

A quel chiffre pouvaient s’élever ces avances ? Le projet les fixait à 50 millions de livres sterling (1,250 millions de francs). M. Gladstone, il n’y avait pas encore bien longtemps, avait évalué lui-même à 300 millions livres sterling (7 1/2 milliards de francs) les frais d’une opération de ce genre, ayant pour objet de désintéresser d’une manière définitive toute la classe des propriétaires fonciers en Irlande. Puis ce chiffre avait été réduit de moitié, et ramené plus bas encore. Le mois précédent, M. Gladstone avait parlé de 120 millions à MM. Chamberlain et Trevelyan, et ni l’un ni l’autre n’avaient admis qu’un engagement aussi colossal pût être contracté par l’Angleterre sur la seule garantie de la solvabilité du futur gouvernement irlandais. Ils ne s’expliquaient pas maintenant que le bill présenté par leur ancien maître et collègue ne fit plus mention que de 50 millions de livres sterling. Si M. Gladstone proposait un bill pour le rachat des terres, c’est qu’il considérait comme une obligation

  1. Cette seconde partie du grand projet de home rule de M. Gladstone n’était, à tout prendre, que la généralisation du système dont le purchase act voté par les conservateurs, en 1885, a organisé un commencement d’application.