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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/164

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et l’exception, ils ont rendu singulièrement difficile le mariage au grand jour, qui est la banalité et la règle. La publication à la seule résidence des deux contractans suffirait parfaitement dans la grande majorité des cas, et, quant au danger de la bigamie (quelques histoires réjouissantes en ont dernièrement fait foi) toute la paperasserie prescrite par le code ne suffit pas à l’éviter. La seconde chose que je prétends, c’est que, le mariage intéressant avant tous les deux parties contractantes, c’est de leur libre consentement surtout que cet acte devrait dépendre. À partir de vingt et un ans, le code laisse à un jeune homme et à une jeune fille le droit de faire toute sorte de sottises sans qu’aucune autorité puisse les en empêcher. Pourquoi leur refuser celui de faire un acte qui peut sans doute être une sottise aussi, mais qui, le plus généralement, est à leur honneur ? Si toute latitude leur était laissée quant au mariage, on verrait peut-être quelques jeunes gens du monde épouser des femmes qui n’en sont pas (le fait est-il donc déjà sans exemple ?) mais, en revanche, on verrait beaucoup moins de braves filles du peuple dans l’impossibilité de trouver un mari. J’admets cependant que cette liberté absolue à partir de vingt et un ans paraisse trop hardie : on pourrait la reculer pour l’homme jusqu’à vingt-cinq ans, mais une fois que le jeune homme et la jeune fille seraient tous deux majeurs quant au mariage, il les faudrait dispenser de ces formalités du consentement ou des actes respectueux qui pèsent sur eux toute leur vie, en ne laissant aux ascendans d’autre droit que celui de former opposition, droit que la loi leur reconnaît aujourd’hui. Il est vrai que ce serait « toucher au code civil. « Mais le code civil n’est pas une arche sainte, et ce fétichisme, qui ne permet pas de porter la main sur lui, n’est pas en honneur dans tous les pays où il règne. C’est ainsi qu’en Belgique un projet sur la réforme du code civil est actuellement pendant devant les chambres, et ce projet apporte précisément des modifications assez sérieuses à la législation sur le mariage en vue de le faciliter. C’est un très savant jurisconsulte belge, M. Laurent, qui est l’auteur de ce projet, et l’on me permettra d’abriter ma hardiesse derrière son autorité.

Il faut que la difficulté de contracter mariage (je parle des grandes villes et de Paris en particulier), soit bien réelle, pour que la charité privée ait senti qu’il lui fallait intervenir. Tout le monde connaît de nom la société de Saint-François-Régis, fondée, en 1826, par M. Gossin et qui a pour but de faciliter le mariage civil et religieux des indigens du diocèse de Paris. Ce qu’on sait moins, c’est que les conférences de Saint-Vincent-de-Paul des diverses paroisses de Paris s’entendent entre elles pour nommer par arrondissement un comité qui s’occupe du mariage des indigens. Il y en a dix-sept