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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/357

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accordées surtout à d’anciens militaires[1] qui avaient repris du service à l’occasion du siège. Un sens honorifique était certainement attaché au don d’aussi faibles sommes, qui représentaient des indemnités de déplacement. Une catégorie plus élevée et plus restreinte comprenait quelques personnes qui s’étaient principalement distinguées, jugées dignes par M. de Grignan de recevoir une lettre du ministre, exprimant la satisfaction du roi à leur égard. Un mémoire à ce sujet, apostille par M. de Grignan, fut remis par lui au maréchal de Tessé, qui le transmit à Chamillart, à la date du 8 octobre, non sans l’avoir lui-même apostillé. Toutes ces grâces furent accordées et, un mois plus tard, Chamillart annonce à M. de Grignan le départ des lettres écrites par l’ordre du roi au baron d’Hugues, au chevalier de Saporte, aux comtes de Vintimille et de Sabran-Canjeurs, au marquis d’Oribeau. Adressées au maréchal de Tessé, ces lettres furent remises par lui à chaque destinataire. Une d’elles existe encore dans la famille du chevalier de Saporte[2] : elle exprime la grande satisfaction du roi auquel le maréchal de Tessé et le comte de Grignan ont rendu compte de la manière distinguée dont le chevalier a servi en Provence, à la tête du régiment des milices dont il avait le commandement.

Les fonctions du chevalier ne cessèrent pas avec l’invasion. Le 24 juillet de l’année suivante, M. de Grignan l’envoya dans les vigueries de Forcalquier et d’Apt, sans doute en prévision du mouvement

  1. A la suite des noms de Bernard, — de Mérindol, — du Vemègues, chevalier de Malte, etc, on remarque celui de Riousse, juge à Cannes, qui représente seul l’ordre civil ou la robe, comme on disait alors. — Cannes avait été fort maltraité lors de la retraite, Le Cannet brûlé et Mouans pillé; Biot et dix-sept villages des environs étaient entièrement ruinés. Les Allemands excitaient les plus fortes plaintes : à Vallauris, près de Cannes, les habitans, réunis par ordre dans l’église, furent massacrés avec des raffinemens de cruauté par les soldats de Hesse. Les Anglais et les Hollandais avaient été beaucoup plus humains. (Lettre de M de Gourdon, président de Nice, à Chamillart, du 7 septembre 1707.)
  2. La suscription de l’enveloppe présente cette singularité de donner au chevalier de Saporte la qualification de capitaine de grenadiers du régiment de Vosje ( sic}; mais cette singularité a sa raison d’être dans ce fait que Pierre-Joseph de Saporta avait effectivement un frère puîné, capitaine au régiment de Vosje. Un certificat du marquis de la Floride atteste qu’il faisait partie, en 1706, de la garnison du château de Milan. Comme tous les officiers capitulés des troupes françaises de Lombardie, il dut grossir l’armée de Toulon et assister au siège. Dès lors, l’erreur s’explique d’elle-même, et tandis que le comte de Grignan inscrivait dans son mémoire le nom du commandant des milices de la Durance, le maréchal de Tessé, frappé de ce nom, et peut-être impressionné par quelque trait de courage du capitaine de grenadiers, n’avait pas manqué de le désigner au ministre en apostillant le mémoire, et d’établir ainsi, entre l’un et l’autre frère, une confusion à coup sûr honorable pour tous deux.