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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/390

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les ont presque toujours malades, bien plus encore que les Arabes qui supportent le même soleil éclatant.

Le caractère craintif des Dizfoulis, leur lâcheté, montrent bien qu’ils sont depuis longtemps subjugués et accoutumés à subir toutes les vexations. Le mot de peur est certainement celui qui revient le plus souvent dans leurs discours.

Dans la ville, la population est d’une densité exceptionnelle. Dans tout l’Orient, une famille habite une maison entière, petite ou grande, suivant ses ressources. A Dizfoul, chaque maison abrite deux ou trois familles. Il en résulte que la femme est encore plus étroitement cloîtrée. Son enderoun, l’endroit où elle peut enlever son voile, est une étroite chambre. Je ne parle ici que des gens du peuple, car les riches ont un confort relatif. C’est uniquement la peur qui les fait ainsi s’entasser et se blottir les uns sur les autres ; car ce n’est pas l’espace qui manque autour de la ville.

Ce sont surtout les Arabes que redoutent les Dizfoulis. A la vérité, ils ont de bonnes raisons pour cela. Lorsque la nécessité les oblige à s’écarter de la ville d’une vingtaine de kilomètres, ils sont à peu près certains d’être dépouillés s’ils rencontrent un Arabe, et non-seulement l’idée de se défendre ne leur vient pas, mais ils n’ont même pas le courage de fuir. Ils supposent sans doute que, s’ils étaient rejoints, ils auraient encore plus de coups à recevoir. C’est une réelle fascination qui s’exerce là, nous en avons vu de très nombreux exemples.

Un soir, nous étions campés non loin de Suse. Un Dizfouli était occupé à cuire son pain. Après avoir boulangé d’une façon rudimentaire dans une cuvette de cuivre, il prenait une poignée de pâte, et la faisant rapidement passer d’un poing sur l’autre, il préparait les galettes qui composent exclusivement la nourriture des gens du peuple. Ensuite, il les appliquait sur la paroi de son four, simple trou qu’il venait de creuser dans la terre. La nuit était assez obscure. A la faveur des ténèbres, un Arabe, qui rôdait en quête de quelque vol, s’approche de lui, lui prend dans les mains le pain qu’il avait cuit, ainsi que sa provision de farine, et disparaît. Lorsque le boulanger pétrifié, fasciné, fut en état d’appeler au secours, le voleur était déjà hors de vue.

Chaque jour, on nous rapportait quelque histoire de Dizfouli volé. Il est impossible de rendre la stupéfaction et l’air de terreur rétrospective avec lesquels ils nous regardaient quand nous leur demandions : « Mais pourquoi ne t’es-tu pas défendu? » Ils ne se battent jamais qu’entre eux, le plus souvent avec des pierres qu’ils lancent fort habilement à l’aide de longues frondes.

Il leur semble naturel d’être ainsi maltraités par tous leurs voisins. Lorsqu’ils ont à traverser un endroit qu’ils considèrent comme