Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et chamberlainistes, les chasser comme indignes de l’église libérale. Mais les colères étaient encore plus vives contre lord Randolph Churchill, auquel les amis de M. Gladstone ne pouvaient pardonner les injures dont il n’avait pas craint de couvrir le grand homme. Les Irlandais le considéraient comme un ennemi personnel, et M. Gladstone l’avait plus d’une fois dénoncé comme l’instigateur responsable, par ses discours enflammés et ses excitations violentes de l’été dernier, des déplorables émeutes qui ne cessaient d’ensanglanter la ville de Belfast. On s’indignait d’avoir à subir dans les débats de la chambre la direction du plus hautain des tories. Quelques-uns déclaraient qu’il fallait le boycotter.


X.

Heureusement, la chambre des communes, s’étant ajournée aussitôt après l’élection du speaker pour ne plus se réunir que le 19 août, les premières émotions avaient eu le temps de se calmer. Le discours de la reine informa en quelques mots les représentans du pays qu’ils n’avaient été convoqués à cette époque incommode de l’année que pour achever le vote des crédits, interrompu dans le précédent parlement par la dissolution, et pour assurer le fonctionnement des services publics. À cette tâche se bornerait l’effort demandé à la chambre dans la session actuelle. Rien autre n’était urgent, le pays ayant confirmé avec éclat le verdict du onzième parlement, et toute proposition de législation était ajournée à la session suivante.

Il appartenait à lord Churchill, comme leader de la chambre, de compléter ces indications sommaires et d’exposer au moins dans ses grandes lignes la politique du cabinet. Il s’en tira fort habilement, s’exprimant, non plus en tribun, mais en homme d’état, cherchant et réussissant à se contenir, révélant un Churchill tout nouveau. Le gouvernement considérait comme son premier devoir de rétablir et de maintenir en Irlande le règne des lois, de restaurer l’ordre social profondément troublé par une agitation à laquelle une politique, irrévocablement condamnée par le pays, n’avait donné que trop d’aliment. Il ne lui semblait pas nécessaire pour cela de recourir, au moins pour l’instant, à des mesures coercitives. Le cabinet, voulant mettre un terme aux désordres et aux outrages qui désolaient deux comtés (Kerry et Clare), avait résolu d’envoyer dans cette région un officier énergique, le général Redvers Buller, en qualité de magistrat spécial, muni de pouvoirs suffisans pour imprimer aux forces de police une direction efficace ; si des mesures plus graves devenaient nécessaires, il serait fait appel à la chambre des communes.