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décidé à réprimer tout ce qui serait une atteinte à l’ordre public, tout ce qui ressemblerait à une manifestation d’anarchie. Il paraît assez résolu à défendre la préfecture de police contre les tentatives de désorganisation dont elle est sans cesse menacée. Lorsqu’il a eu à s’expliquer avec le préfet de la Seine, avec les représentans de l’édilité parisienne, au sujet de la réorganisation municipale de Paris, il n’a point hésité à se prononcer contre les prétentions et les projets des autonomistes. Il a déclaré sans détour que la situation exceptionnelle de Paris ne cesserait pas de sitôt, qu’il n’entreprendrait que ce qui lui semblait réalisable. Décidément, avec lui, la mairie centrale a peu de chance d’être proposée au parlement, qui lui-même, d’ailleurs, ne serait probablement pas disposé à la voter. Quand tout récemment des députés radicaux pleins de bonne volonté, à ce qu’ils assurent, pour le gouvernement, sont allés avec une solennité comique trouver M. le président du conseil, ministre de l’intérieur, pour lui imposer des conditions ou lui demander des engagemens au sujet de l’emploi des fonds secrets, M. Goblet s’est redressé et n’a voulu rien entendre. Il n’a pas admis cette plaisante prétention de livrer les fonds secrets à toutes les indiscrétions, — sans doute pour qu’ils gardent mieux leur destination et qu’ils restent plus sûrement secrets. Il a maintenu son droit de disposer sous sa responsabilité d’un moyen plus ou moins équivoque, dans tous les cas nécessaire, dont tous les gouvernemens ont usé. Et les députés radicaux, accoutumés, à ce qu’il paraît, depuis longtemps à faire tout ce qu’ils veulent, à pénétrer partout dans les ministères, ont paru tout surpris de la résistance insolite que M. le ministre de l’intérieur leur a opposée, en leur donnant rendez-vous au scrutin où il demandera un vote de confiance !

Évidemment M. le président du conseil n’a fait que maintenir dans cette circonstance bien simple les traditions et les règles les plus naturelles, les plus légitimes d’un gouvernement qui se respecte. Il n’a fait que ce qu’il devait faire et n’a dit que ce qu’il devait dire lorsqu’il a refusé son adhésion à cette autocratie révolutionnaire déguisée sous le nom de mairie centrale, ou lorsqu’il s’est efforcé de relever la confiance des serviteurs aussi courageux que modestes de l’ordre public. Jusque-là c’est fort bien. Ce serait bien mieux encore si c’était l’expression d’une volonté raisonnée et réfléchie, d’un système coordonné de politique. Malheureusement c’est là la question, et M. le président du conseil avec son ministère incohérent, avec les divisions de la chambre, avec ses liens de parti et ses propres précédens qui sont pour lui une difficulté de plus, M. le président du conseil en est ou en sera pour quelques actes de bonne volonté inutiles, pour quelques manifestations sans suite et sans résultat. Il peut entrevoir certaines nécessités de gouvernement qu’il cherche à sauvegarder, c’est possible.