avec ses agitations et ses contradictions dans cette phase aussi obscure que laborieuse des affaires européennes. Certainement elle n’a point été étrangère à tout ce qui s’est passé depuis quelque temps en Orient et en Europe à propos de l’Orient. Elle a encouragé la révolution bulgare tant qu’elle a cru y voir un intérêt, un moyen de combattre ou de neutraliser l’influence russe. Elle a pris le rôle singulier d’une puissance inquiète et remuante, poussant en avant la Turquie et l’Autriche, excitant l’Allemagne contre la France, cherchant à mettre le trouble partout. Elle s’est agitée sans profit, sans résultat ; elle n’a fait, dans tous les cas, qu’une campagne assez stérile pour se retrouver au bout avec un certain mécontentement d’elle-même, et de plus avec une crise ministérielle qui n’était pas faite pour simplifier ses affaires. L’Angleterre ressaisira sans doute, un jour ou l’autre, le fil de la politique extérieure, — elle est, en attendant, occupée, depuis deux semaines, à sortir de cette crise intérieure dont la brusque démission de lord Randolph Churchill a donné le signal, et qui est peut-être plus profonde, qui s’est trouvée plus compliquée encore qu’on ne le croyait au premier abord.
Cette crise anglaise, elle a cela de particulier, en effet, qu’elle a été certainement imprévue et qu’elle a dévoilé tout à coup l’incohérence de la situation de l’Angleterre, la confusion des partis, la faiblesse du ministère conservateur. Pourquoi lord Randolph Churchill, l’enfant terrible du torysme, a-t-il donné sa démission sans respecter les plus simples usages, sans regarder derrière lui? On ne le sait pas même encore exactement, on ne le saura que lorsque le jeune et impétueux chancelier de l’échiquier d’hier aura donné, devant le parlement, dont la réunion a été ajournée à la fin du mois, les explications qu’il a promises, qu’il tient en réserve. On sent seulement que si sa résolution a eu toutes les apparences d’un coup de tête, elle a dû ou elle a pu aussi tenir à des causes plus sérieuses, à des raisons de politique extérieure et intérieure. Ce qu’il y a pour le moment de certain, c’est que la retraite de lord Randolph Churchill a créé immédiatement les plus étranges embarras au cabinet, qui s’est vu réduit à un remaniement presque complet après avoir été sur le point de se dissoudre. Si on est arrivé à un dénoûment tel quel, ce n’est pas sans efforts. Lord Salisbury a eu toutes les peines du monde à concilier, dans ses laborieuses négociations, les exigences des conservateurs et les nécessités d’une situation parlementaire où il ne peut avoir une majorité qu’avec l’appui des libéraux unionistes.
Il a certes agi en chef de gouvernement aussi désintéressé que sérieux en offrant à lord Hartington de lui céder le pouvoir ou de lui faire une place proportionnée à son importance dans le cabinet. Première difficulté, premier mécompte ! Lord Hartington, rappelé de Rome par