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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/645

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Elles sont toutes destinées aux classes riches. Les appartemens y sont inabordables pour les petites fortunes et a fortiori pour les familles de travailleurs. Il y a dans ce moment 40,000 appartemens qui ne trouvent pas de locataires, tandis que les pauvres ne savent pas où se loger. Le prix des loyers va toujours croissant, et devient un embarras sérieux pour les ménages de situation médiocre. On estimait autrefois que le loyer ne devait pas, dans un budget bien ordonné, excéder le dixième du revenu; aujourd’hui, dans les classes ouvrières, il en absorbe le cinquième et quelquefois le quart. La démolition des vieux quartiers a produit le même résultat dans quelques grandes villes et notamment à Rouen. La municipalité reconnaissant la nécessité de l’assainir, afin de diminuer la mortalité qui s’élevait chaque année à 32 pour 1,000 et pesait surtout sur les classes pauvres, s’est imposé de grands sacrifices dans les dernières années. Elle a fait disparaître une grande partie du quartier de Marlainville, renommé pour son insalubrité, et le sous-sol a été purifié par des fouilles profondes ; mais les habitans des maisons infectes qu’il a fallu démolir n’ont pas pu trouver place dans les constructions nouvelles. Ils sont allés, comme à Paris, s’entasser dans les autres vieux quartiers, et y créer un encombrement dangereux. Un jeune ingénieur de la ville, M. Botrel, a eu la pensée de construire, sur la rive gauche de la Seine, dans un lieu bien aéré, situé à portée des usines, une cité ouvrière dont il a soumis le plan en relief et les devis au congrès, tenu à Rouen au mois d’août 1883, par l’Association française pour l’avancement des sciences. Ce projet, bien conçu et étudié avec soin, n’a pu encore recevoir son exécution.

Je ne voudrais pas aborder ici d’une façon incidente, et sans la traiter avec les développemens nécessaires, la grosse question des logemens à bon marché. Comme tous les problèmes hygiéniques, elle ne comporte pas de solution absolue. Il faut l’étudier au point de vue de chaque ville en particulier. Je la crois aussi facile à résoudre à Paris qu’ailleurs. Les terrains à bâtir ne manquent pas dans les arrondissemens excentriques; ils sont parfois un peu accidentés et dépourvus de voies d’accès, mais il serait facile de faire disparaître ces petites difficultés. Les logemens garnis sont loués à des prix tellement élevés, que les entrepreneurs trouveraient leur compte à bâtir des maisons d’ouvriers. Les capitaux, qui se sont égarés dans la voie des constructions dispendieuses, trouveraient, dans cette direction nouvelle, un emploi très suffisamment rémunérateur. Il suffirait, pour les encourager, que la ville se chargeât des nivellemens, de l’établissement des rues, des conduites d’eau et de gaz, qu’elle exonérât les propriétaires de certaines charges et de certains impôts pendant un temps déterminé. Il a été déjà fait.