sous une autre forme, le mot célèbre de Spinoza : « La pensée humaine ressemble à la pensée divine, comme le Chien signe céleste ressemble au chien animal aboyant. » Un autre prélat, Synge, archevêque de Tuam, dans une réponse à Toland, renchérissant sur King, comparait la connaissance que l’homme peut acquérir des choses divines à celle qu’un aveugle peut avoir de la lumière et des couleurs. Browne est plus explicite, sinon plus radical ; jamais positiviste n’a plus impérieusement proclamé l’impuissance de l’esprit humain en fait de théologie que ce théologien : « Nous ne pouvons, déciare-t-il, avoir de la nature divine aucune idée ou conception, ni complète, ni incomplète, ni distincte, ni confuse, ni claire, ni obscure, ni déterminée, ni indéterminée. » La véracité, la justice, la miséricorde de Dieu, diffèrent non-seulement en degré, mais en nature, des qualités qui reçoivent les mêmes noms parmi les hommes. La conséquence, selon Browne, c’est que la révélation peut seule faire luire la lumière en une telle obscurité.
L’agnosticisme mis au service de la foi ira plus loin encore. En matière religieuse, la raison n’est pas seulement impuissante : elle se contredit irrémédiablement. Telle sera la thèse de M. Mansel dans ses Bampton Lectures. Et ces antinomies nécessaires, Herbert Spencer les invoquera à son tour pour élever sur les débris de toute religion, positive ou philosophique, l’idole dernière de l’esprit humain, l’Inconnaissable.
Le nom de H. Spencer, devenu ainsi par une filiation directe l’héritier des théologiens qui combattaient la « superbe raison » à la manière de Pascal, donne à réfléchir. Sans doute il est agréable pour un orthodoxe de voir cette odieuse raison « invinciblement froissée par ses propres armes ; » mais, en fin de compte, c’est la pensée religieuse qui sort la plus meurtrie de la lutte. Jeu dangereux que de trop humilier la raison en lui interdisant toute compétence en fait de choses divines ; elle pourrait bien à la longue en prendre son parti et, sans accepter la foi toute faite qu’on lui présente, s’assurer que, puisqu’elle n’en peut rien savoir, il n’y a pas de choses divines. Un fidéisme intolérant conduit ainsi, soit au positivisme le plus plat, soit à l’athéisme le plus catégorique. Est-ce cela que l’on voulait? Le ferme génie de Berkeley, — un théologien pourtant, — ne s’y trompa pas, et, dans l’Alciphron, il attaque avec le bon sens le mieux trempé les King, les Synge, les Browne, en qui il voit, non sans motifs, les précieux auxiliaires des athées.
Après Toland, le principal champion du déisme fut Matthew Tindal. Son principal ouvrage : le Christianisme aussi ancien que