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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/668

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dans la seconde partie des Pensées, vient échouer contre l’argument de Hume. Mais le déisme philosophique n’avait pas à crier victoire. Hume n’avait pas travaillé pour lui. Les Dialogues concerning natural Religion portaient de terribles coups à cette religion: naturelle que Toland, Tindal, Bolingbroke, Voltaire, tous les libres penseurs prétendaient édifier sur les ruines du christianisme convaincu de déraison. Il est vrai que, quand Adam Smith consentit, non sans résistance, à publier (1779) les Dialogues que l’amitié de Hume lui avait légués, Toland, Tindal, Bolingbroke, étaient depuis longtemps morts et Voltaire venait de mourir.


IV.

La vraie philosophie, dit Pascal, se moque de la philosophie. Le vrai philosophe, semble avoir pensé Bolingbroke, méprise et injurie beaucoup les philosophes ; et le plus vraiment philosophe pour Bolingbroke, c’est Bolingbroke. Quiconque est en désaccord avec lui n’est qu’un sot, un fourbe, un insensé. Croire qu’on puisse connaître quelque chose de l’esprit, en tant que distinct de la matière, c’est le fait d’un fou. Les philosophes païens et les platoniciens chrétiens sont autant d’extravagans et d’aliénés. L’étude de la métaphysique est un simple délire et ceux qui admettent la légitimité de l’ontologie sont « de savans lunatiques. » Descartes est fou toutes les fois qu’il s’abandonne au raisonnement a priori- Leibniz est « un des esprits les plus creux et ; les plus chimériques qui se soient jamais fait un nom dans la philosophie. » Clarke, la bête noire de Bolingbroke, n’a qu’un bavardage étourdissant et dénué de sens. Wollaston a sa place marquée à Bedlam. Écoutez ce précieux jugement sur Platon : « Quand il abandonne son faux sublime, il tombe à plat et s’enfonce plus bas qu’aucun autre écrivain n’en est capable dans une fastidieuse ironie socratique, dans des raisonnemens nébuleux et hypothétiques qui ne prouvent rien, dans des allusions qui sont de pures vulgarités et qui n’expliquent ni ne confirment rien de ce qui devait être expliqué ou confirmé. » Les écrivains sacrés, cela va sans dire, ne sont pas mieux traités. « Là où l’enseignement de saint Paul est intelligible, il est souvent absurde ou puéril. » — « Il est impossible de lire le récit de Moïse sur la création. sans éprouver du mépris pour le philosophe, de l’horreur pour le théologien. » Seuls Bacon et Locke trouvent grâce devant Bolingbroke, parce qu’il les croit favorables à ses vues ; et il épargne Berkeley en faveur des relations personnelles du pieux évêque avec Pope, Swift et lui-même.

Des aménités de ce goût nous font déjà pressentir ce que pourra être le déisme de Bolingbroke. Puisque nous n’avons pas affaire à un métaphysicien, il faut bien que l’expérience soit pour Bolingbroke