tracasser et de m’ennuyer. » On aurait pu croire qu’il n’a jamais molesté les catholiques, que c’est M. Windthorst qui a inventé le Kulturkampf. Mais quand M. de Bismarck prêche la paix, c’est toujours sur un ton belliqueux, et sa façon de se défendre est d’attaquer. Jamais il ne l’avait pris de plus haut que dans les dernières séances avec cette majorité qu’il s’occupait moins de convertir que d’humilier. « Le peuple s’est trompé quand il vous a envoyés ici… La confiance que nous avions en vous a été jadis plus grande, elle a diminué de jour en jour, elle a reçu la plus vive atteinte quand nous avons reconnu qu’il pouvait se former dans cette assemblée une majorité polonaise contre les intérêts allemands. Dès lors, j’ai abandonné tout espoir de m’entendre plus longtemps avec vous. Nous aurions dû vous dissoudre plus tôt pour cause de polonisme, nous n’aurions pas eu affaire plus tard à votre bulgarisme ; mais j’ai patienté. » Ce qui signifie : Je guettais l’occasion, je l’ai trouvée, elle me paraît bonne, je ne la manquerai pas.
La dissolution du Reichstag est le prononcé d’un jugement de divorce pour cause d’incompatibilité d’humeurs. Il ne s’était rien passé de grave entre les deux conjoints, on ne pouvait s’accuser ni d’infidélité ni de trahison ; mais les rapports étaient difficiles, pénibles, tendus, on avait beaucoup d’aigreur l’un pour l’autre. Politique étrangère ou politique intérieure, le chancelier de l’empire et la majorité conduite par M. Windthorst et M. Richter ne s’entendaient sur rien. On raconte que, sous le règne de Charles II, quand les quakers réclamèrent le privilège d’être crus en justice sur leur parole et de n’être point astreints au serment, le chancelier d’Angleterre, qui ne se piquait pas de politesse, mais qui avait l’humeur débonnaire et indulgente, leur parla ainsi : « Mes amis, Jupiter exigea un jour que toutes les bêtes de somme vinssent se faire ferrer. Les ânes lui représentèrent que leur loi ne le permettait pas. — Eh bien ! dit Jupiter, on ne vous ferrera point ; mais au premier faux pas que vous ferez, vous aurez cent coups d’étrivières. » M. de Bismarck est moins tolérant que ce chancelier d’Angleterre ; il exige que tout le monde indistinctement se laisse ferrer, et son Reichstag ayant refusé de se prêter à cette cérémonie, il s’adresse aux électeurs pour en avoir un autre.
M. de Bismarck a toujours eu des difficultés avec ses parlemens ; mais, jusqu’ici, ils s’étaient fait une loi de ne pas discuter sa politique étrangère. Ils respectaient trop son génie pour ne pas lui donner carte blanche, ils s’abstenaient même de le questionner. Le Reichstag qui vient d’être dissous s’était montré moins discret et moins respectueux. Dans ces dernières années, M. de Bismarck a dérouté plus d’une fois les Allemands par les brusques évolutions de sa diplomatie, où ils croyaient voir des incohérences de conduite. Ils n’ont pas toujours