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Pour rendre à la Tunisie ses forces disparues, il ne s’agissait que de lui restituer son indépendance, — Car, livrée à elle-même, elle était prospère il y a trente ans, — il s’agissait de la soustraire à la tutelle trop rigoureuse de ses créanciers et des consuls, et de lui refaire un sang, une administration homogène. En d’autres termes, pour avoir chance de mener à bien la transformation dont nous avions pris la responsabilité par le traité du 12 mai 1881, il fallait tout d’abord supprimer la commission financière et les tribunaux de consulats ; bien d’autres réformes essentielles et dont nous parlerons dans la dernière partie de cette étude s’imposaient d’elles-mêmes impérieusement, mais on ne pouvait rien entreprendre aussi longtemps qu’on n’aurait pas accompli ces deux-là.

Commençons par la réforme financière.

Il n’existait pas pour nous deux moyens de délivrer la Tunisie de ses créanciers, — nous n’avions qu’à les rembourser. — On se rappelle l’histoire de la commission : les beys Achmed, Mohammed et Saddok, pour vouloir trop imiter, sans savoir au juste comment s’y prendre, la civilisation européenne, dépensèrent en innovations, le plus souvent stériles, des sommes fabuleuses ; le dernier bey dut emprunter, emprunter encore, emprunter dans des conditions si onéreuses qu’il se vit tout à coup ruiné. — Ses créanciers, pour la plupart Européens, Français en majorité, chargèrent leurs gouvernemens respectifs de sauvegarder autant que possible leurs intérêts; ils réclamaient environ 350 millions ; après examen de leurs titres, une évaluation étant faite des revenus de la régence, — on réduisit d’un commun accord la somme à 125, portant intérêts à 5 pour 100. — Telle fut, à dater de cet arrangement qui eut lieu le 23 mars 1870, la dette générale du gouvernement tunisien. Pour être sûrs que les intérêts de cette somme leur seraient exactement servis, les créanciers se firent représenter à Tunis par une commission permanente internationale qui fut chargée non-seulement de contrôler l’administration beylicale, mais de faire percevoir par une administration à elle, investie d’un pouvoir souverain, une partie des recettes de la régence, ce qu’on appela les revenus concédés aux créanciers, les droits de douane notamment et, d’une façon générale, les taxes les plus faciles à recouvrer. — Ces taxes devaient donc fournir chaque année à la commission 6,250,000 francs au minimum, plus 250,000 francs, montant approximatif des frais d’administration, soit 6,500,000 fr., autrement dit plus de la moitié des revenus de la Tunisie dans les bonnes années. Si leur produit était inférieur à ce chiffre, les revenus que l’état s’était réservés devaient parfaire la différence. Était-il au contraire supérieur, l’excédent n’était pas versé, comme on pourrait le croire, au trésor beylical, il était affecté à l’amortissement ;