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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/818

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lui, tout éclopé, on lui conseille de porter plainte ; mais, de son côté, l’officier a fait donner l’ordre de l’arrêter, — autre conflit. — Ailleurs, à La Goulette, un ivrogne, Canino, s’obstine à chercher querelle à une sentinelle ; une patrouille passe, on le ramasse, mais il se dégrise et s’échappe, se réfugie chez son consul : nos soldats veulent l’y poursuivre, un tumulte indescriptible faillit faire de cette arrestation un des incidens les plus graves de notre expédition; le consul italien dut embarquer la nuit pour la Sicile, comme un conspirateur, son malheureux national et le condamner à l’exil pour qu’il ne tombe pas entre les mains de notre armée, qui l’aurait condamné sans doute à vingt-quatre heures de violon. Tous ces incidens se ressemblent; à distance, ils paraissent risibles, ils n’en jetaient pas moins un trouble profond à Tunis et préoccupaient trois nations en Europe ; il était temps d’y mettre fin.

M. Waddington le premier obtint la suppression du tribunal consulaire anglais ; le lendemain du jour où le cabinet de Saint-James publia sa décision, 31 décembre 1883, le gouvernement italien suivit son exemple : il demanda seulement des garanties, des privilèges même; ainsi le tribunal ordinaire doit être seul tribunal administratif; les Italiens ne peuvent être condamnés à mort, la peine capitale n’étant pas appliquée chez eux. Quant aux autres états, aucun intérêt sérieux n’eût justifié leurs résistances ; dès longtemps, pour la plupart, ils s’étaient déclarés prêts à renoncer à leurs privilèges judiciaires le jour où nous serions en mesure de substituer nos magistrats à leurs consuls-juges. L’Allemagne nous avait rendu le service de faire connaître de la façon la moins équivoque, en ce qui la concernait, cette détermination : dès le printemps de 1882, à la fin d’avril, elle envoyait un nouveau consul-général, l’explorateur Nachtigal, en lui donnant pour instructions de se mettre tout d’abord d’accord avec la résidence française; ceux qui, parmi les Européens et les Arabes, croyaient encore que notre occupation n’était pas définitive, que les puissances ne l’approuvaient pas, virent avec surprise un matin le nouveau représentant de l’empire se rendre au palais du Bardo, dans la voiture du chargé d’affaires de France, pour être présenté par lui au bey : une foule considérable de curieux s’était portée sur le passage du cortège. Cette cérémonie a son importance dans l’histoire de notre occupation. Trois mois plus tard, à la veille du bombardement d’Alexandrie, lord Granville prescrivait à son tour au consul anglais, à Tunis, de ne plus s’adresser au Bardo que par l’intermédiaire du résident, ministre des affaires étrangères du bey.

L’installation de notre tribunal et de nos justices de paix donna aux puissances la garantie du fait accompli : au fur et à mesure que nous obtenions d’un gouvernement étranger l’abandon de sa justice consulaire,