Mlle Juliette, exaspérée, revenait dans la cour après avoir pansé la blessure du surveillant ; elle se précipita vers les hommes en entendant la proposition des magistrats.
— Comment, dit-elle, pas un de vous ne saura trouver la parole qu’il faut dire à ces pauvres égarés ! Comment, nous aurons la honte de voir mettre l’ordre chez nous par des étrangers ! il faudra des soldats pour réduire des enfans ! Eh bien, si les hommes ne peuvent rien, moi, une femme, je saurai me faire entendre.
Avec un geste simple et plein de grandeur, elle mit à la main l’écharpe blanche qui couvrait sa chevelure blonde et s’avança résolument vers l’ennemi.
La situation devenait grave : les enfans, qui n’auraient certainement pas voulu blesser une femme, surtout celle-ci, pouvaient la tuer sans la voir : il ne faisait plus assez clair pour distinguer.
Comme elle arrivait au pied du mur, un cri déchirant, une voix aiguë et mince domina tous les bruits. Le père Rousselin avait aperçu Mademoiselle. Il l’atteignit au moment où les projectiles commençaient à tomber. Une barre de fer venait de friser la tête de la jeune femme. Il n’était plus timide ; il la prit durement par la taille, avec une force dont on ne l’aurait pas cru capable, la courba violemment à ses pieds et la couvrit de son petit corps. Il avait perdu son chapeau dans la course et se tenait droit, bravant les coups, fier d’être utile à celle qu’il aimait et d’offrir sa vie pour la protéger.
Au-dessus des cris poussés par les insurgés, on entendait sa petite voix perçante criant : — Trêve, trêve ! vous ne voulez pas tuer une ?..
Il n’acheva pas, il lâcha Mlle Juliette, porta vivement la main à son front, et tomba à la renverse, comme foudroyé par une balle. Un encrier de plomb l’avait atteint à la tempe droite… Le sang inondait sa face.
La jeune femme, à cette vue, oubliant le danger, se mit vivement debout.
— Lâches, lâches ! cria-t-elle, vous venez de commettre un meurtre ; il ne vous manque plus maintenant que de tuer une femme.
Elle agitait son écharpe blanche au-dessus de la tête du blessé.
Malgré le vacarme, sa voix fut entendue. Un des élèves se pencha pour s’assurer que ce n’était point une ruse de guerre ; — En apercevant, aux dernières lueurs du jour, un corps étendu et une femme agenouillée, il jeta un cri d’alarme. Les fenêtres se refermèrent ; les insurgés redevenaient des enfans effrayés du crime qu’ils avaient commis en jouant à la révolution. Ils s’interrogeaient