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il avait laissé dans Médéa une garnison française, tandis que, en 1836, il abandonnait le bey Mohammed à lui-même ; entre les deux expéditions, presque semblables d’ailleurs, la comparaison était donc plutôt en faveur de la première. Était-ce la faute du maréchal ? Non pas tant de lui que du ministre de la guerre et des chambres, qui lui refusaient le temps et les moyens, non pas seulement d’étendre, mais même d’affermir, sur le terrain déjà conquis, la domination française. Pendant que les régimens qu’on lui réclamait avec tant d’âpreté prenaient la mer pour rentrer en France, il s’embarqua lui-même, le 14 avril, laissant au général Rapatel le commandement par intérim. Il allait à Paris soutenir, devant le gouvernement, les chambres et l’opinion publique, la cause de l’Algérie.


V.

Au moment où le maréchal Clauzel quittait Alger, le général d’Arlanges, dans la province d’Oran, était en marche pour l’embouchure de la Tafna. Après l’heureuse expédition du général Perregaux, qui n’avait reçu du maréchal qu’une mission temporaire, le commandant de la division d’Oran était rentré dans la plénitude de ses attributions. Comme il avait reçu l’ordre d’établir le plus promptement possible un poste retranché sur la côte, en face de l’îlot de Rachgoun, il avait hâté ses préparatifs. Le général Perregaux lui avait rendu ses troupes, le 1er avril ; le 7, il était en état de partir. La colonne qu’il avait formée comprenait : deux bataillons du 17e léger, un bataillon du 47e, un bataillon du 66e, le 1er bataillon d’infanterie légère d’Afrique, deux compagnies de sapeurs, trois escadrons du 2e chasseurs d’Afrique, 200 Douair et Sméla, quatre pièces de campagne et quatre de montagne ; mais, comme les effectifs étaient très réduits, l’ensemble ne donnait pas plus de 3,200 hommes. Avec une si faible colonne, il aurait fallu marcher vite, prévenir l’ennemi aux passages difficiles, ne lui pas donner le temps de réunir ses forces; mais la chaleur commençait à se faire sentir, le général d’Arlanges, très attentif à la santé de ses troupes, voulait les ménager; il ne fit d’abord que de petites étapes; il perdit trois jours à ouvrir une route dans les ravins du mont Tessala et à vider les silos des Beni-Amer ; bref, après sept jours de marche, il n’était encore arrivé qu’à l’Oued Ghazer. Ce fut là qu’il aperçut pour la première fois l’ennemi.

Le général d’Arlanges était, dans toutes les nuances du mot, un très brave homme, allant au feu comme pas un ; il avait été un excellent colonel; jamais on ne vit régiment mieux administré que le sien. Quand le maréchal Clauzel lui avait enlevé momentanément la