Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il lui importait de se faire des alliés, sinon des sujets. Là se trouvaient des hommes qui avaient comme lui la haine des Français, Ben-Zamoun, et ce marabout fanatique, Sidi-Saadi, qui avait déjà suscité plus d’une prise d’armes contre les roumi.

La vraie limite orientale de la Métidja n’est pas un cours d’eau, comme le Boudouaou : c’est un contrefort qui se détache du Petit-Atlas à l’extrémité de l’arc légèrement concave que la chaîne décrit au sud de la plaine et dont la mer est la corde. Peu saillant et très abrupt, ce contrefort, qui est comme le poste avancé du Djurdjura, ne peut être franchi qu’en deux endroits, au sud, par un col allongé qu’on nomme le Ténia des Beni-Aïcha, au nord, par un passage étroitement resserré entre un escarpement de rocs boisés et la mer. Vers le milieu coule un filet d’eau issu d’une source où la nuit viennent se désaltérer les fauves. Ce défilé maudit, redouté des Arabes, où, soit par le couteau des bandits, soit par la dent des panthères, il y a eu souvent mort d’homme, porte un nom expressif : Chreub-ou-Heureub, bois et fuis. Le versant oriental descend dans la vallée de l’Isser, occupée par une tribu qui a pris le nom de ce petit fleuve, et par les Amraoua. Or, le 9 mai, une bande d’Amraoua et d’Isser fit irruption dans la Métidja, pilla quelques haouchs de l’outhane de Khachna et regagna son repaire avec un grand troupeau de bétail volé.

Dès que le gouverneur fut instruit de cette agression, il fit partir d’Alger, sous les ordres du colonel de Schauenbourg, du 1er  régiment de chasseurs d’Afrique, une colonne composée de deux bataillons du 2e léger, d’un bataillon du 48e de ligne, de deux escadrons de chasseurs et de spahis réguliers, et de deux obusiers de montagne ; en même temps, il donna au général Perregaux, son chef d’état-major, l’ordre de s’embarquer avec deux bataillons et deux obusiers, et de descendre à l’embouchure de l’Isser, de façon à prendre à revers les tribus pillardes que le colonel de Schauenbourg allait attaquer de front. Le 18 mai, au matin, la colonne franchit sans trop de peine le col des Beni-Aïcha et tomba sur un gros rassemblement que commandait Ben-Zamoun. Malheureusement une forte bourrasque avait retenu dans le port d’Alger la flottille du général Perregaux. Après l’avoir attendu toute la journée du 18, au bord de la mer, le colonel se mit en retraite, le lendemain, par le défilé de Chreub-ou-Heureub ; il eut à soutenir, six heures durant. un combat d’arrière-garde qui exigea plus d’un retour offensif, et vint, dans l’après-midi, prendre son bivouac sur la rive gauche du Boudouaou. Afin de couvrir contre les incursions des Isser cette partie reculée de la Métidja, le gouverneur décida la construction d’une redoute à l’endroit où avait bivouaqué le colonel. Le soin de protéger les travailleurs fut confié au commandant de La Torré, du 2e léger ; on lui laissa un bataillon et demi de son régiment, un