refaire l’état de prince ; qu’il n’y avait aujourd’hui qu’une manière de se faire pardonner d’être prince, c’était de faire en tout plus que les autres; je lui ai exposé que, placé en quelque sorte sur une roue qui tourne toujours, le jour où je m’arrêtais, je me trouvais reculer de fait ; je lui ai dit que, s’il était devenu le premier roi de l’Europe, il fallait, moi, que j’en devinsse le premier prince royal et que je pouvais avouer cette ambition, quand je mettais ma vie et le sacrifice de mes plus chères affections au service de cette ambition. Je lui ai fait voir que, pour fonder une dynastie, il faut que chacun y contribue, depuis mon frère Aumale, qui apporte pour son écot un prix d’écolier[1], jusqu’à l’héritier du trône, qui doit, dans les rangs de l’armée, se faire lui-même la première position après celle du roi. Quant à l’importance de l’expédition, j’ai cru devoir observer qu’il était fort heureux qu’elle ne fût pas trop grande, parce qu’alors mon commandement me serait contesté, tandis que je pourrais, après l’avoir exercé, m’en prévaloir plus tard dans des circonstances plus graves. Enfin, j’ai cru devoir dire au roi qu’étant dans l’intention de me mettre à la tête de l’armée, n’était-ce pas m’y placer de la manière la plus belle et la plus efficace que de me confier le commandement d’une expédition pour laquelle les premiers généraux de l’armée française semblaient empressés de se ranger sous mes ordres. j’ai fini par ajouter que c’était du roi seul que je pouvais tenir ce commandement, car il n’y avait que le roi qui pût disposer de son fils, et que personne ne pourrait le lui conseiller ; que jamais on ne pouvait conseiller ces sortes de choses, mais que tout le monde les approuverait après, et que si le roi lui-même avait attendu qu’on lui conseillât sa course à l’Hôtel de Ville le 31 juillet, et sa promenade le 6 de juin[2], il ne serait pas roi et ne l’aurait jamais été. Passant ensuite aux considérations de santé, j’ai exposé qu’un jury de révision me jugerait bon pour faire la campagne, les pieds dans la boue et le sac sur le dos, et qu’à plus forte raison je serais en état de l’entreprendre comme général, bien vêtu, les pieds chauds et couvert de flanelle de la tête aux pieds. Mon dernier mot a été pour donner la garantie que, loin d’éviter la paix, je la rechercherais avec empressement, persuadé que c’était un service à rendre à mon pays, et que ce serait honorer mon caractère que de montrer que je sais renoncer au plaisir d’un bulletin et résister à l’ardeur d’une armée pour servir les vrais intérêts de ma patrie. j’ai même ajouté que je croyais plus utile pour moi
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