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zouaves, trois du 2e léger et deux du 47e de ligne. Le colonel Combe était chargé de défendre les abords de la tête de pont, et le lieutenant-colonel de Beaufort de veiller sur la rive gauche. Ce fut de ce côté que l’attaque recommença d’abord, le 23, vers six heures da matin. Des Kabyles ayant traversé la Seybouse au gué d’Hammam-Meskoutine, essayèrent de tourner l’extrême droite des positions françaises; mais quelques obus les eurent bientôt dégoûtés de l’entreprise. Cette manœuvre n’était d’ailleurs qu’une diversion destinée à tromper le défenseur sur la direction de la véritable attaque. Celle-ci, comme la veille, avait pour objectif le poste occupé par La Moricière. Du haut d’un mamelon distant de 1,500 mètres, Ahmed y présidait en personne. Par les hauteurs de l’ouest arrivèrent d’abord des bandes séparées de Kabyles ; c’était encore une façon de détourner l’attention de l’adversaire, quand tout à coup, d’une profonde dépression appelée le ravin des Ruines, débouchèrent, au-dessous-même du poste, les réguliers en bataille. Les combattans de part et d’autre étaient si près qu’ils s’injuriaient comme les héros d’Homère ; parmi les réguliers, il y avait des Algériens et des déserteurs, car, de leurs rangs partaient, mêlées aux imprécations arabes, des obscénités françaises. Ils s’avancèrent bravement, au son de la musique du bey, jusqu’à 60 mètres ; arrêtés par les abatis, ils restèrent longtemps sous le feu, et, quand ils reculèrent, ce fut pour prendre de nouveau leur élan; enfin, plus que décimés par les balles, les obus et la mitraille, ils se mirent tout à fait en retraite. Le combat avait duré quatre heures. Les pertes d’Ahmed devaient être sensibles; du côté des Français, pendant ces trois jours, il n’y avait eu que huit tués et une soixantaine de blessés.

Le 27 septembre, le duc de Nemours arriva au camp avec les généraux Valée et Rohault de Fleury ; le gouverneur-général l’y avait précédé la veille, afin de tout disposer pour lui en faire les honneurs. Les jours suivans, tous les détachemens tirés des postes évacués en arrière rejoignirent; le 30, le colonel Duvivier arriva le dernier ; il amenait la garnison de Ghelma. Tout était rassemblé, personnel et matériel ; le départ fut fixé par le gouverneur-général au 1er octobre.


VIII.

A Bône, aussitôt après le débarquement du duc de Nemours, une sorte de conseil de guerre avait été tenu; on y avait balancé pour la dernière fois les chances de l’expédition, les bonnes et les mauvaises. Il s’était trouvé des pessimistes pour contester les premières ; les griefs qu’ils alléguaient étaient plausibles: le 12e de ligne venait d’apporter de France le choléra dans ses rangs ; il avait