de troupe portait dans son sac huit jours de vivres et sur son sac un fagot de menu bois. Afin de compenser cette aggravation de charge, on avait débarrassé le fantassin des buffleteries, du sabre, de la giberne remplacée par la cartouchière, et de la couverture remplacée par le sac de campement. Trois ambulances, abondamment pourvues de médicamens et de moyens de transport, accompagnaient le quartier-général et les troupes. L’esprit militaire était excellent : ceux qui avaient déjà vu et ceux qui, pour la première fois, allaient voir Constantine, rivalisaient d’ardeur. Entre les principaux acteurs dont les rôles avaient été remarqués dans le drame de 1836, deux surtout brillaient par leur absence : Jusuf, qu’on ne voyait plus à la tête du bataillon turc et des spahis de Bône; Changarnier, qui, promu lieutenant-colonel au 2e léger, avait eu le chagrin de voir partir sans lui le 2e bataillon de son régiment.
Il avait été décidé que l’armée marcherait en deux colonnes qui se suivraient à vingt-quatre heures d’intervalle : la première, formée des brigades Nemours et Trézel escortant l’équipage de siège ; la seconde, des brigades Rullière et Combe, accompagnant le convoi. Le 1er octobre, à sept heures du matin, la colonne d’avant-garde se mit en marche. L’après-midi, le ciel qui, depuis bien des jours, n’avait pas cessé d’être beau, se couvrit; la pluie tomba, fatal présage au gré des pessimistes : c’était ainsi qu’avait débuté, l’an passé, l’expédition de malheur. Malgré les travaux récemment exécutés par le général Lamy, la montée du Ras-el-Akba ne se fit pas sans peine; il fallut atteler seize chevaux aux pièces de 24. La colonne bivouaqua au sommet du col ; la pluie avait cessé; la nuit fut belle. La journée du 2 se passa bien ; la traversée de l’Oued-Zenati se fit sans trop de difficulté; le bivouac du soir fut établi à Sidi-Tamtam, pendant que la seconde colonne s’arrêtait au col de Ras-el-Akba. L’ennemi, qu’on n’avait pas vu encore, révéla, le 3, sinon sa présence, car on ne l’aperçut pas, du moins son voisinage par l’incendie des meules de paille qui entouraient les douars abandonnés ; la cavalerie, par un mouvement rapide, parvint à en sauver une grande part. Après la journée du 4, qui s’écoula sans incident, les deux colonnes se rejoignirent, le 5, sur la hauteur de Somma; de là, par la trouée du ravin qui sépare le Mansoura de Sidi-Mecid, on pouvait entrevoir de loin Constantine ; tous les curieux, pendant la halte, se portèrent au point de vue; il fallait faire queue pour prendre son tour. Le bivouac pour la nuit fut installé dans un lieu de sinistre mémoire; c’était le « camp de la boue, » tristement fameux par la malheureuse aventure du 62e. A trois heures du matin, l’armée se réveilla sous la douche d’une pluie torrentielle, chassée par les rafales d’un vent glacé; à six heures, elle se remit en marche; à neuf heures, l’avant-garde prenait pied sur le plateau