génie la nuit précédente s’étaient imprégnées d’eau tout le jour ; ravinées, emportées sous le poids des torrens qui descendaient de la montagne, elles laissaient par endroits sur les rampes étroites, aux tournans courts, de profondes et larges coupures. Dans les ténèbres, à la lueur douteuse des falots qui semblaient en augmenter l’épaisseur, sous la tempête qui effrayait les attelages, on essaya de mettre en mouvement une pièce de 24 et deux pièces de 16; toutes les trois, l’une après l’autre, versèrent au fond du ravin. Comme on avait décidé que le feu ne commencerait que lorsque toutes les batteries seraient prêtes, ce fâcheux accident allait en retarder de vingt-quatre heures au moins l’ouverture. A minuit, un officier fut envoyé au Coudiat-Aty pour empêcher la batterie d’obusiers de tirer, comme elle en avait eu l’ordre, au point du jour. A la même heure, une conférence réunit le gouverneur, le duc de Nemours et les commandans en chef de l’artillerie et du génie. Il fut convenu qu’une nouvelle batterie, destinée à remplacer provisoirement celle dont l’armement avait roulé dans le ravin, serait immédiatement construite à l’extrémité gauche du plateau. Aussitôt entreprise, en dépit de l’ouragan qui redoublait de violence, la batterie Damrémont était, douze heures après, achevée et armée; trois pièces de 24 et deux obusiers de 6 pouces avaient leurs gueules menaçantes braquées sur Constantine. Il y avait cependant un effort encore plus extraordinaire et plus admirable que cet héroïque labeur de l’artillerie. Au lever du jour, le lieutenant-colonel de La Moricière était venu, au nom des zouaves et du 2e léger, s’offrir pour entreprendre le sauvetage des pièces versées. c’était une manœuvre de force à joindre aux travaux d’Hercule; il ne fallut pas moins de trois jours aux adroits et vigoureux champions de l’infanterie, les pontonniers aidant, pour l’accomplir ; le 8 octobre, la première pièce de 16 fut relevée, le 9 la seconde, le 10 la pièce de 24.
Au Coudiat-Aty, la nuit du 7 au 8 avait eu aussi ses mécomptes. Trois compagnies de sapeurs et sept cent cinquante hommes des régimens de ligne s’étaient mis au travail sur l’emplacement projeté de la batterie de Nemours. A coups de pic, il fallut entamer la pente abrupte et niveler le roc là ou devaient être établies les plates-formes ; mais le plus difficile était de construire le coffre de la batterie; la terre meuble manquait totalement aux alentours; celle qu’on avait pu trouver à distance et verser dans des sacs que des chaînes de travailleurs se passaient de main en main était tellement délayée par la pluie que, lorsque les sacs arrivaient sur l’atelier, ils y arrivaient à peu près vides. A trois heures du matin, les officiers du génie furent obligés d’interrompre le travail et de renvoyer les hommes, qui tombaient à chaque pas, exténués de fatigue et découragés de voir leur effort inutile. « On ne peut se faire une idée, a dit un de ceux qui ont eu leur part de ces misères, on ne peut se