de détachemens pris en nombre égal dans les autres corps d’infanterie. Pendant toute la nuit, les batteries tirèrent ii-régulièrement, afin d’empêcher les assiégés d’escarper la brèche et d’élever un retranchement intérieur. Vers trois heures du matin, le capitaine Boutault, du génie, et le capitaine de Garderons, des zouaves, allèrent reconnaître la brèche; revenus, n’ayant que des blessures légères, de cette expédition périlleuse, ils. déclarèrent que le talus était raide, mais que les colonnes pourraient néanmoins le franchir.
Le général Valée fit appeler La Moricière : « — Colonel, lui dit-il, êtes-vous bien sûr que la colonne que vous commanderez sera énergique jusqu’à la fin? — Oui, mon général, j’en réponds. — Etes-vous bien sûr que toute votre colonne fera le trajet de la batterie à la brèche, sans tirailler et sans s’arrêter? — Oui, mon général; pas un homme ne s’arrêtera, pas un coup de fusil ne sera tiré. — Combien pensez-vous que vous perdrez d’hommes dans le trajet? — La colonne sera forte de quatre cent cinquante hommes. J’ai calculé cette nuit qu’il ne se tirait pas en avant de la brèche plus de quatre cents coups de fusil par minute; le quinzième au plus des coups pourront porter; je ne perdrai pas plus de vingt-cinq à trente hommes. — Une fois sur la brèche, avez-vous calculé quelles seront vos pertes? — Cela dépendra des obstacles que nous rencontrerons. L’assiégé aura dans ce moment-là un grand avantage sur nous ; la moitié de la colonne sera vraisemblablement détruite. — Pensez-vous que, cette moitié étant détruite, l’autre moitié ne fléchira pas? — Mon général, les trois quarts seraient-ils tués, fussé-je tué moi-même, tant qu’il restera un officier debout, la poignée d’hommes qui ne sera pas tombée pénétrera dans la place et saura s’y maintenir. — En êtes-vous sûr. colonel? — Oui, mon général. — Réfléchissez, colonel. — j’ai réfléchi, mon général, et je réponds de l’affaire sur ma tête. — C’est bien, colonel; rappelez vous et faites comprendre à vos officiers que demain, si nous ne sommes pas maîtres de la ville à dix heures, à midi nous sommes en retraite. — Mon général, demain à dix heures, nous serons maîtres de la ville ou morts. La retraite est impossible; la première colonne d’assaut du moins n’en sera pas. » Revenu au bivouac, La Moricière réunit ses officiers et leur rapporta ce dialogue, que le capitaine Le Flô, du 2e léger, écrivit au crayon, séance tenante, sur la manchette de sa chemise.
Entre quatre et cinq heures du matin, la première colonne se rassembla au Bardo, remonta le ravin et prit position dans la place d’armes ménagée en arrière de la batterie de brèche; la seconde se forma dans le ravin, la troisième demeura en réserve au Bardo. Le général Valée, le duc de Nemours et les états-majors se trouvaient déjà dans la batterie ; la moitié des chirurgiens de l’ambulance y