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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/167

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le plus léger mouvement du pot où elles avaient grandi, faisait s’abaisser leur feuillage. Celles qui n’avaient qu’un tiers ou deux de terre végétale furent encore irritables, quoique à un degré moindre, et ne purent fleurir. Celles qui avaient de la terre végétale pure finirent par être robustes et presque insensibles : un coup de baguette sur leur feuillage le faisait bien se replier, mais il se redressait presque aussitôt.

Outre l’excitation générale des centres cérébraux, des nerfs ganglionnaires, de la circulation et de la nutrition, l’émotion produit une excitation également générale des nerfs moteurs et des muscles. Selon M. Spencer, cette excitation du système musculaire serait proportionnelle à l’intensité du sentiment, quelle qu’en fût d’ailleurs la nature : une forte joie comme une forte douleur met en branle le corps entier. De plus, ajoute M. Spencer, la force de la passion affecte les muscles en raison inverse de leur grosseur et du poids des parties auxquelles ils sont attachés. Chez le chien, chez le chat, la mobilité de la queue la rend capable de fournir, dès l’origine, l’indication du sentiment naissant ; la plus ou moins grande élévation de la queue est un signe de plaisir, les battemens qu’elle exécute de côté sont un signe d’inquiétude. Chez l’homme, les muscles de la face sont relativement petits et très mobiles : c’est pour cette raison que la figure est le meilleur indice du degré d’intensité dans le sentiment. M. Mosso objecte, il est vrai, que nous avons dans l’oreille et ailleurs de très petits muscles qui ne prennent aucune part à l’expression, bien que chez eux la résistance à vaincre soit très faible ; mais cette objection ne nous semble point décisive. Les muscles de l’oreille n’ont point conservé chez l’homme, faute d’usage sans doute, la mobilité qu’ils ont chez les animaux, auxquels ils sont d’une grande utilité. Chez le cheval, le renversement des oreilles est une marque d’irritation : gare aux ruades.

Le vrai défaut de la théorie exposée par M. Spencer, c’est qu’elle est trop purement physiologique : il n’a pas tenu compte des effets différens produits par le caractère agréable ou pénible des émotions. D’après lui, l’énergie du sentiment, quelle qu’en soit la nature, se manifeste toujours par une énergie de mouvement : on danse de joie, dit M. Spencer, comme on piétine de colère: on ne peut pas plus rester en place dans la détresse morale que dans l’exaltation délicieuse ; il y a des cris d’angoisse comme il y a des cris de volupté ; souvent les bruits que font les enfans au milieu de leurs jeux laissent les parens dans le doute si c’est le chagrin ou le plaisir qui en est la cause. — Soit, mais toutes ces manifestations d’activité ne se ressemblent que pour un spectateur lointain ou superficiel ; il est difficile d’admettre que le plaisir et la douleur, dès le début, se