segmens. Chez les animaux supérieurs, sortes d’états très centralisés, la concentration de la conscience dans la tête ne fait qu’obscurcir le rudiment de sensibilité qui doit subsister encore dans les autres parties. Le soleil empêche de discerner les rayons des étoiles, mais ne les empêche ni d’exister ni de produire leur effet propre dans la lumière du jour; cet effet, toujours le même, devient manifeste dans la nuit. Si nous pouvions voir ce qui se passe dans l’organisme quand s’éteint la lumière cérébrale, nous y retrouverions sans doute des foyers inférieurs de sensibilité qui jettent encore leur lueur dans ces ténèbres.
Pour ces raisons, nous admettons dans le corps vivant une solidarité des parties qui, mécanique par le dehors, est mentale et sociale par le dedans. Dès lors, il ne peut y avoir irritation d’une partie sans que cette irritation se propage par contagion à toutes les autres : c’est le germe de la sensation diffuse, répandue dans le corps entier. De plus, cette irritation étant toujours favorable ou défavorable à la vie du tout et des parties, elle doit être sentie comme peine ou plaisir rudimentaire : c’est le germe de l’émotion diffuse. Enfin, toutes les parties ayant le pouvoir de réagir et une tendance à leur propre conservation, l’irritation entraîne toujours une réaction motrice du corps entier : c’est le germe de l’appétit diffus, du vouloir-vivre, inhérent au tout. La solidarité, dans l’association des cellules vivantes, prend donc la triple forme d’une solidarité d’excitation, d’émotion et de réaction. On peut résumer cette communication mutuelle des organes dans cette formule : sympathie et synergie. Vous croyez faire une métaphore en disant : « Je souffre dans toutes les parties de mon être, » et vous n’exprimez que l’exacte vérité : quand une partie de l’organisme sent la souffrance, toutes les autres la sentent par contre-coup, chacune selon son importance et son degré d’organisation. Le cri d’alarme qui sort de votre bouche est la traduction pour l’oreille de l’alarme qui s’est produite non-seulement dans votre cerveau, mais jusque dans les moindres particules de votre organisme : c’est le cri d’un peuple entier qui se sent menacé dans sa vie. Quand votre voix est tremblante d’émotion, votre corps tout entier tremble en ses moindres cellules, comme le vent qui passe sur la forêt fait frissonner toutes les feuilles des arbres. Dans une foule compacte l’assemblée au même lieu, les impressions se propagent avec une rapidité extrême et, en se communiquant, s’amplifient ; chacun reçoit de tous et tous reçoivent de chacun cette sorte d’électricité par influence à laquelle on a justement comparé l’émotion : de là les passions soudaines et les soudains emportemens des foules. Le même fait se passe dans votre organisme : la crainte, par exemple, s’y communique de proche en proche, par un tressaillement qui, parti du cerveau, agite bientôt