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des âges géologiques que de l’histoire même : celle-ci ne s’arrête jamais et se prolonge perpétuellement. Aucune barrière, aucune limite ne la détermine ; ce sont des enchaînemens sans fin. — En géologie, le pliocène récent touche et confine au quaternaire, et le pliocène ancien touche en arrière et confine au miocène, de même que celui-ci à son début se confond avec l’oligocène, qui à son tour se relie à l’éocène et ce dernier au paléocène. Ce sont là des termes inventés par nous, propres à nous guider et désignant des époques dont les limites n’ont rien de tranché, mais présentent plutôt des transitions comparables à celles des couleurs du prisme réunies à l’aide de nuances insensibles. Gardons-nous de confondre les classifications de la science avec la réalité vivante et objective ; gardons-nous même de croire à une sorte d’équivalence entre ces divisions dont la faiblesse de notre esprit invoque l’appui. Il semblerait au premier abord que le quaternaire et le tertiaire fussent des âges comparables par leur durée présumée. Ce serait là pourtant une complète illusion : le quaternaire n’est que la fin du tertiaire, sa terminaison dernière, une sorte d’intervalle marqué par des phénomènes de transport, des accumulations de sables, d’argiles et de graviers, dont la stratification n’est pas assez constante ni assez régulière pour fournir les élémens d’une exacte chronologie ; tandis que le tertiaire répond à une époque immense, à un des âges de notre planète, à une période pendant laquelle non-seulement le sol continental a changé de configuration à plusieurs reprises, mais encore l’animalité terrestre, rudimentaire au début, s’est transformée tout entière, tandis que de son côté la végétation se distribuait par zones, se différenciait par régions, et que la température, achevant de perdre son uniformité première, s’échelonnait peu à peu de l’équateur au pôle. Celui-ci, refroidi graduellement, disparaissait enfin sous des glaces éternelles. Aucune parité ne saurait donc être établie entre le quaternaire et le tertiaire pris dans son ensemble, mais seulement entre le premier de ces âges et la fraction la plus récente de l’autre.

Le problème de l’homme dit tertiaire une fois mis de côté, on voit, en prenant M. Cartailhac pour guide, se dérouler en Portugal et en Espagne le tableau saisissant des âges préhistoriques enchaînés sans interruption. Nous ne songeons pas à suivre l’auteur dans cette étude, où rien n’est oublié de ce qui peut tenir le lecteur en éveil et l’intéresser en l’instruisant ; mais nous ne résistons pas à relever certains traits qui, sans isoler la Péninsule du reste de l’Europe préhistorique, ont cependant quelque chose de spécial à la région explorée par M. Cartailhac.

Les instrumens chelléens, c’est-à-dire les plus anciens, proviennent les uns de San Isidro, près de Madrid, les autres des environs de Lisbonne. Il est impossible de ne pas être frappé de leur