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à présenter une ordonnance symétrique : ce sont alors des dolmens, toujours destinés à l’origine, selon la remarque de M. Cartailhac, à disparaître sous un amas de terre constituant un tumulus.

Les dolmens ne sont que des tombes et renferment constamment un mobilier funéraire, lorsqu’ils n’ont pas été fouillés; ils couvrent le Portugal et y prennent le nom de Anta, au pluriel Antas, mot qui aurait, à ce qu’il paraît, la signification « d’autel. » Comme les dolmens bretons, ils sont souvent précédés d’une allée couverte, et témoignent, si l’on songe à la fréquence de ces sortes de monumens en Scandinavie, en Angleterre, dans toute la France et une partie au moins de l’Allemagne, de la longue durée et de la puissance du peuple ignoré qui eut la force d’ériger ces masses, de les aligner et de les superposer, en y gravant parfois des signes mystérieux, pour y coucher ses morts, dans la pensée de leur procurer un asile inviolable.

Les siècles s’écoulèrent ainsi jusqu’au moment où la métallurgie prit naissance, le cuivre d’abord, puis le bronze. Le progrès dut être très lent, puisque les objets en métal s’associent d’abord en très petit nombre aux instrumens en pierre polie, dont l’usage persiste. Il semble que longtemps encore, et sans que le commerce soit venu directement alimenter les peuplades européennes, celles-ci aient reçu du dehors et de proche en proche la matière métallique, d’abord ouvrée à l’aide de procédés élémentaires et primitifs. Il y a là des phases successives, habilement analysées dans le livre de M. Cartailhac, auquel nous renvoyons ceux, — Et le nombre en est grand, — qui tiennent à se rendre compte des efforts complexes et répétés, des tâtonnemens de toutes sortes, au moyen desquels l’homme, si longtemps rudimentaire, est parvenu peu à peu à s’élever jusqu’à la connaissance et à la pratique des arts techniques, puis à l’intuition de la beauté typique, associée en lui à la pensée de ses triomphes sur la matière inerte. C’est par là que ses luttes pour le bien-être le conduisent, à son insu et en dépit de ses défaillances, à voir au-dessus et plus loin, à ne jamais s’arrêter, au risque de déchoir, dans cette marche ascendante vers un but qu’il croit toujours être sur le point de toucher et qui ne recule incessamment que pour mieux apprendre à l’homme à s’en rapprocher de plus en plus.


G. DE SAPORTA.