M. de Bismarck change souvent de théories, de tactique et de procédés, mais ses volontés ne varient jamais. Comme jadis, il n’entendait satisfaire la papauté qu’à la condition qu’elle usât de toute son influence pour désarmer l’opposition du parti du centre et le transformer en parti de gouvernement. Le pape Léon XIII cherchait en vain à décliner cette proposition ; en vain alléguait-il que la politique allemande ne le concernait point, qu’il n’avait pas de conseils à donner à M. Windthorst dans les questions d’impôts ou de monopoles. M. de Bismarck secouait les oreilles, il traitait cette réponse de mauvaise défaite. « On nous affirme, avait-il écrit au prince de Reuss, le 20 avril 1880, que le parti du centre est conduit par quelques chefs qui n’en font qu’à leur tête, et qui, vivant de la guerre, craindraient d’être mis à pied dans un temps de paix. Je n’en puis rien croire, quand je considère que tant d’ecclésiastiques, grands ou petits, se sont enrôlés dans cette faction, et que leur politique, qui pousse parfois l’esprit d’opposition jusqu’à faire cause commune avec les socialistes, est appuyée par des membres de la plus haute et de la plus riche noblesse. Cela ne s’explique que par l’action des confesseurs sur les hommes et encore plus sur les femmes. Un mot du pape ou des évêques et même l’avertissement le plus discret mettraient un terme à cette alliance contre nature. » Léon XIII protestait de ses intentions pacifiques et bienveillantes ; mais M. de Bismarck ne tient compte de leurs intentions qu’à ses ennemis, il attend des actes de ses amis. « La question qui s’impose, avait-il encore écrit, est de savoir si le saint-siège n’a pas la force ou n’a pas la volonté de détourner le parti clérical d’une conduite qu’il désapprouve. « Il en revenait toujours là : « un vous avez la puissance de réformer le parti du centre, et c’est la volonté qui vous manque, ou vous êtes réellement impuissant, et dès lors, quel intérêt puis-je avoir à vous ménager ? » La parole de censure et de condamnation qu’on s’obstinait à lui demander, Léon XIII l’a enfin prononcée. A-t-il bien fait ? a-t-il mal fait ? Les paris sont ouverts. — En 1887, disent les uns, on a vu un chancelier de l’empire allemand, qui avait bataillé quinze ans contre l’église, solliciter l’assistance du pape pour faire passer une loi qui lui était chère. Cet événement est une date glorieuse dans l’histoire de l’église. Léon XIII a créé un précédent dont il pourra plus tard se prévaloir. Qui aura dorénavant le droit de lui dire : « Tu es un Italien, et nos affaires temporelles ne sont pas de ton domaine ? » Sans doute, le parti du centre a été fort ému du désaveu que lui infligeait le saint-père ; mais il s’est remis de son trouble ; comme le disait un journal : « La lettre Jacobini a été digérée, non sans peine, mais enfin elle a passé. » D’ailleurs, savons-nous quelles promesses ont été faites au pape et si on ne s’est pas engagé à épouser ses intérêts, à améliorer sa situation, à ménager un accommodement entre le Vatican et le Quirinal ?