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L’ŒUVRE
DES
LIBÉRÉES DE SAINT-LAZARE

Un vieux proverbe a dit : qui a bu boira; j’en reconnais la justesse aujourd’hui; je m’étais promis de ne plus m’occuper des œuvres de la charité privée, croyant avoir dit tout ce que j’avais à en dire; serment d’ivrogne auquel je vais manquer sans remords. Certaines questions sont inépuisables, on peut en parler pendant de longs jours, sans parvenir à formuler la solution définitive; il peut paraître imprudent d’y toucher, car elles vous sollicitent, vous rappellent, vous saisissent ; on a beau les vouloir repousser, elles vous étreignent, car elles possèdent un charme auquel on ne peut s’arracher. Elles sont toutes-puissantes, elles effacent bien des tristesses; volontiers on s’y réfugie pour échapper au découragement; elles consolent de certains spectacles et gardent l’espérance vivace au fond du cœur. Lorsque le crépuscule de l’âge a envahi l’horizon de notre existence, dans le recueillement de la solitude, lorsque par le souvenir on revit les jours écoulés, on s’aperçoit que, semblable au voyageur assis au milieu des ruines, on n’est plus entouré que de débris. La famille a disparu, emportée vers les destinées futures, les amis sont morts, les amours sont éteintes, les glorioles ne pèsent plus rien dans la main, les gouvernemens sous lesquels on a vécu se sont écroulés les uns après les autres avec une sorte de régularité fatidique ; l’avenir est sans promesse et le passé n’a plus que des lamentations. Tout ce qui a fait l’attrait de