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fait les démarches pour obtenir l’accès des hôpitaux, et surtout de la maison spéciale que le langage populaire a nommée : la Bourbe, Parfois quelques difficultés surgissent que l’on n’a pas le temps de combattre ou de résoudre. Il ne manque pas de sages-femmes à Paris, et, si pauvre que soit la caisse de l’œuvre, on y sait toujours découvrir de quoi secourir une pauvre femme réduite aux abois, pendant que le vrai coupable, celui qui seul est responsable devant la justice de l’âme, reste indifférent à tant d’infortune ou s’en console en faisant d’autres victimes. Les heures sont périlleuses après le grand travail de la nature, surtout pour des femmes qu’une vie de privations a mal façonnées pour cet effort souvent mortel. L’hôpital est avare du temps qu’il accorde, car, s’il le prolonge, d’autres en pâtiraient; à peine remise de l’ébranlement, mal réparée, au bout de dix jours il faut partir. Où aller? Au logis? on n’en a que bien rarement ; dans un garni? C’est presque la promiscuité, en cette période troublée où l’on a tant besoin de recueillement. L’Œuvre des Libérées est là; comme un gourmet de bienfaisance, elle connaît les bons endroits où la charité est au labeur, cette charité de Paris qui s’ingénie et brille d’un éclat magnifique au milieu de nos turpitudes, comme une fleur merveilleuse et vivace poussée sur un tas de fumier. La Société philanthropique dont j’ai déjà admiré et signalé l’énergie a profité de son expérience pour agrandir son cercle d’action et l’étendre à des misères que, jusqu’à présent, l’on avait trop négligées. Elle a remarqué que dans sa maison de la rue Saint-Jacques, le dortoir des femmes était surtout fréquenté par de pauvres filles encore chancelantes, sortant de la Maternité, et auxquelles, par pitié, on permettait de prolonger un séjour qui leur donnait le repos dont elles ont besoin. La maison, qui n’est qu’un refuge temporaire, devenait ainsi une sorte d’hospice de convalescence où la débilité venait prendre des forces. D’une part, c’était un inconvénient; d’autre part, les dortoirs n’étaient ni disposés ni outillés pour cette catégorie de malheureuses. Mue par ce sentiment de charité dont elle a fourni tant de preuves depuis qu’elle existe, la Société philanthropique a fondé, avenue du Maine, n° 201, un asile maternel où les berceaux sont placés à côté des grands lits et où dix jours pleins d’hospitalité sont accordés aux femmes qui arrivent de la Bourbe. C’est un grand bienfait qui neutralise les maladies futures qu’engendre souvent trop de précipitation dans la reprise de la vie active.

L’Œuvre des Libérées est en rapport fréquent avec l’asile maternel, elle y fait admettre ses clientes, qui, grâce à elle, deviennent parfois de bonnes nourrices sur lieu, avec gages solides et bonnets pomponnés. Quelques-unes ont témoigné d’un tel dévoûment qu’elles