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retrouvé par M. Cousin, sur les passions de l’amour. Enfin les dernières années de sa courte existence appartinrent à la religion, et, après avoir employé, dans les Provinciales, à la dégager d’interprétations qui avaient pour but de l’accommoder à la vie mondaine, toutes les ressources de l’art le plus achevé et de la plus chaleureuse éloquence, il finit dans la retraite et dans la pénitence, tout entier à Dieu, seul à seul avec l’infini et l’absolu. À ces quatre phases de sa carrière répondent quatre degrés par lesquels sa pensée s’est élevée, passant peu à peu de choses mortes jusqu’au premier principe, source de toute vie, qui est la vie même.

Il y a, dit Pascal, deux classes de choses très différentes. Les premières sont les figures et les nombres, objets très simples, mais hors de l’usage commun, en sorte qu’il est aisé de les comprendre, difficile seulement « de se tourner de leur côté pour les considérer. » Par ce caractère, Pascal les désigne comme des objets abstraits de la réalité, qui seule est dans le commun usage. Leurs propriétés, ajoute-t-il, dépendantes de peu de principes, sont liées entre elles d’une manière évidente, et il n’y a, pour les connaître, qu’à aller de l’une à l’autre par une déduction non interrompue. C’est ce qui est difficile aux esprits vifs, qui se portent promptement aux extrémités, et se plaisent à en saisir d’emblée les rapports. Ajoutons ici que, comme Descartes, Pascal voit dans les choses mathématiques des objets de l’entendement uni, mêlé à l’imagination. De cette théorie diffère beaucoup celle de Kant, d’après laquelle les propriétés de l’étendue et des nombres ne se connaissent pas par des jugemens de nature logique et rationnelle, mais par des opérations d’une imagination innée, antérieure à l’expérience sensible et qui lui impose des lois, mais qui n’en est pas moins plus rapprochée des sens que de la pensée. C’est d’ailleurs son avis que de jugemens de ce genre se compose uniquement toute véritable connaissance. Telle n’était pas la manière de voir de Descartes, suivant lequel toute science dérivait de l’entendement, pour lequel c’était la perfection des mathématiques que de se dégager le plus possible des conditions de l’imagination et de se servir autant que possible de la raison ; et c’est ce qu’il voulait faire lorsque, dans sa Géométrie, il transformait l’étendue en nombres, la géométrie en algèbre. C’est que, en étudiant dans la géométrie les propriétés de l’étendue, l’entendement ne faisait, selon lui, qu’appliquer à des objets de l’imagination des principes dérivés d’une source plus haute. Ce fut aussi la pensée et de Pascal et, plus tard, de Leibniz.

Dans la physique, déjà, on a affaire à des réalités. Les phénomènes y dépendent d’un grand nombre de principes différens, et de principes difficiles à saisie; il faut les démêler les uns d’avec