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prirent la direction du territoire de Sanjan, où en 721, un magnifique temple dédié au Feu s’élevait par leurs soins.

Trois siècles plus tard, ils s’étaient tellement accrus, qu’on les vit apparaître dans diverses villes des Indes, à Cambay et à Surate principalement. Leur arrivée à Bombay, ville devenue aujourd’hui leur capitale d’adoption, remonte à la moitié du XVIIe siècle. Ils s’y montrèrent un peu avant que le Portugal l’eût cédée à l’Angleterre, soit en 1668. Bombay fut la dot de la princesse Catherine de Portugal lorsqu’elle devint l’épouse de Charles II d’Angleterre.

Dès qu’ils se virent à l’abri des persécutions sous la forte protection des Anglais, les Parses s’organisèrent en communauté, et, comme les Hindous, ils créèrent un Panchayet dont la juridiction s’étendît sur leurs compatriotes établis à Barotch, à Surate et dans d’autres localités du Guzerate. Ceux de Navsari, la ville sainte des sectateurs de Zoroastre, — Comme Rome l’est des catholiques, — restèrent indépendans de toute juridiction, et tels ils sont restés encore aujourd’hui.

Un Panchayet, aux Indes, est à la fois un aréopage, une assemblée de notables, et même un conseil municipal dont les membres sont élus par les membres d’une même secte. Il applique des peines plutôt morales que physiques à ceux qui ne lui obéissent pas. Un Parse se refuse-t-il à subir la sentence prononcée contre lui, il est excommunié et ses coreligionnaires le traitent en sacrilège. Il n’est plus invité aux fêtes, aux cérémonies religieuses. L’entrée des temples lui est interdite, et s’il meurt sans être en état de grâce, son corps est livré sans façons aux vautours qui le dévorent, c’est-à-dire qu’il est porté au cimetière ou à la « Tour du Silence » sans escorte aucune.

Le Panchayet eut fort à faire pour combattre certaines tendances contraires aux lois de Zoroastre, tendances qui s’étaient développées dans l’exil et au contact des étrangers. La religion d’Ahura-Mazda qualifie de crime la bigamie ; or, des Parses, en apprenant qu’en Angleterre le divorce était autorisé, crurent pouvoir, non-seulement délaisser leur femme légitime, mais encore en prendre une nouvelle, sans s’inquiéter des lois qui régissaient pareille matière. Un membre considérable du Panchayet se permit cette licence. Il fut excommunié, honni, et ne rentra en grâce qu’après s’être frappé avec une babouche cinq fois la face devant le Panchayet et le clergé assemblés. Il dut restituer à sa première femme ses bijoux et ses propriétés, et prendre l’engagement de lui faire une rente annuelle de 2,000 roupies.

Les compagnes et filles des Parses furent elles-mêmes rappelées aux convenances par le scrupuleux tribunal. Celui-ci avait remarqué