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vite rejoindre à Bombay leurs femmes et leurs enfans. Jamais on ne vit entre marchands de nationalité différente des rapports plus amicaux. Encore un fait bien digne de remarque : les Parses ne doivent pas leur célébrité aux richesses qu’ils ont amassées, mais à la façon généreuse dont ils en ont usé. Quelle différence avec le commerçant chinois qui réside à l’étranger ! Celui-ci, — s’il est possible de le comparer à une abeille, — après avoir sucé le miel d’une contrée, l’emporte tout entier dans sa ruche natale ; le Céleste n’enrichit même pas de ses ossemens le sol sur lequel il a longtemps vécu et qu’il a dépouillé le plus possible.

Le plus généreux, le plus prodigue des Parses de l’Hindoustan, — et ils sont nombreux ceux auxquels on peut donner la qualification de magnifiques, — a été peut-être sir Jamshedje Jijibai. Indépendamment d’un grand nombre d’établissemens de charité, de cimetières fort coûteux, car ils diffèrent, comme on le verra plus loin, complètement des nôtres, il a créé onze grands collèges de garçons et onze écoles de filles. Après des désastres où, comme à Caboul, des milliers de Cipayes et d’Européens disparaissaient sous la neige, après les famines d’Ecosse et d’Irlande, les batailles de l’Aima et d’Inkermann qui firent tant d’orphelins en Angleterre, la main de sir Jamshedje répandit d’abondantes aumônes.

En 1856, lorsque des inondations jetèrent la désolation dans le midi de la France, le même disciple de Zoroastre envoya au baron Haussmann, alors préfet de la Seine, 12,500 francs pour être distribués aux plus nécessiteux de nos pauvres. Cet acte de charité était d’autant plus louable que sir Jamshedje Jijibai avait été, en 1806, prisonnier des Français. Il fut promené sur l’un de nos navires de guerre de Ceylan au cap de Bonne-Espérance, du cap de Bonne-Espérance à Calcutta, puis de Calcutta à Bombay. Accusé de conspirer, il faillit être pendu haut et court ! Sa captivité avait été très dure, et quoiqu’on lui eût laissé son bagage, on lui enleva le seul sac de riz qu’il possédât. C’était le priver, en sa qualité d’Asiatique, de son aliment le plus indispensable. La reine d’Angleterre, pour reconnaître ses libéralités, le créa chevalier, puis baronnet. Il a sa statue à Bombay. Du reste, nos escadres n’ont jamais abordé dans ce port sans y recevoir un excellent accueil. En 1839, le roi Louis-Philippe, et, en 1851, M. de Chasseloup-Laubat, ministre de la marine sous la seconde république, firent remettre deux médailles d’or grand modèle à la famille Wadia pour le désintéressement avec lequel elle avait accueilli nos navires de guerre dans des circonstances difficiles.

Lorsque la navigation à vapeur se substitua à la navigation à voile, les Parses virent décroître leur commerce, non, certes, parce