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l’assemblées par lui ; mais il faut rendre hommage à la conscience avec laquelle il a procédé. Rien n’échappe à ses investigations. Il tourne et retourne le criminel dans tous les sens, au moral et au physique. Il le pèse, il le palpe, il l’interroge. Sa conformation physique, ses antécédens moraux, ses goûts, ses manies, sa langue, sa littérature, tout lui devient sujet d’études et de dissertations. Toutefois, l’originalité véritable de l’ouvrage de Lombroso n’est pas dans les observations morales faites par lui sur les criminels, car il existait déjà en France plusieurs ouvrages de cette nature, entre autres celui du docteur Lauvergne sur les forçats, et celui plus général du docteur Despine intitulé Psychologie naturelle, qui contient sur les criminels d’intéressantes observations. Les prétentions de Lombroso sont plus hautes. Il affirme avoir constaté, au moins chez les criminels d’habitude, un certain nombre de caractères physiques qui se reproduiraient avec assez de régularité pour constituer ce qu’il appelle le type criminel. Toutes les fois qu’on rencontre ce type, on se trouve en présence d’un criminel-né, c’est-à-dire d’un individu fatalement voué à la criminalité. Quels sont les caractères auxquels le professeur Lombroso croit reconnaître le criminel-né? Les constatations faites par lui sont trop minutieuses pour qu’on puisse les rapporter toutes. Je me bornerai à indiquer ici les principales.

Suivant le professeur Lombroso, un des caractères principaux de l’homme criminel serait d’être grand et lourd, quand il n’est pas cependant mince et agile, ce qui, Lombroso en fait l’aveu avec bonne foi, se présente encore assez souvent. Soigneusement pesé, son poids est plus lourd que celui de l’honnête homme. Je dis homme au sens spécial du mot, car la femme criminelle serait au contraire plus légère que l’honnête femme. Les bras de l’homme criminel seraient presque toujours démesurément longs, et il aurait une facilité singulière à se servir tantôt de la main droite et tantôt de la main gauche. Il aurait peu ou point de barbe, les oreilles très écartées de la tête, et la figure asymétrique, c’est-à-dire de travers. Mais ces constatations faciles ne sont point pour satisfaire la curiosité d’un aussi grand inquisiteur que le professeur Lombroso. Il a voulu pénétrer plus avant dans la physiologie intime du criminel. La conformation de son crâne et de son cerveau l’a surtout préoccupé ; mais ni le crâne ni le cerveau n’ont voulu y mettre de la complaisance, et ils semblent avoir conclu une entente déloyale pour tromper les efforts du savant professeur. Le cerveau surtout, cet organe récalcitrant, a causé à Lombroso les mêmes déceptions qu’il a coutume de causer aux physiologistes et anthropologistes désireux d’établir une corrélation directe entre le poids de la substance cérébrale et les facultés de l’homme ou de