du lendemain ; à tâtons, voire en piétinant sur place, on cherchait un genre nouveau. Eh bien ! par-delà le drame, il fallait remonter jusqu’à la tragédie : non pas, sans doute, pour lui emprunter ses procédés, la pompe de son langage, la longueur de ses récits, l’artifice de ses confidens ; mais pour imiter son mépris de l’intrigue et son perpétuel souci du cœur humain. Peu d’événemens, et qui ne seraient point compliqués, mais l’homme, tout simplement, voilà, derechef, ce qu’on mettrait sur la scène. L’action, comme autrefois, ne serait que la révélation de la personne, mais non plus seulement de la personne spirituelle et isolée dans le vide ; c’est la personne physique aussi, la personne entière, et telle qu’un certain milieu la présente, qui revivrait devant nous. Et comme toute l’histoire de l’homme ne saurait tenir en un seul ouvrage, un fait unique, du domaine commun de la physiologie et de la psychologie, serait la matière d’une pièce. De quel nom s’appellerait cette pièce, tragédie ou drame, peu importe : le renouvellement de l’art classique, son « adaptation à notre époque, » voilà le problème.
La théorie est irréprochable : à qui l’honneur de la pratique ? M. Zola y prétend : il n’a écrit Renée, — cela se voit assez, cela se voit même trop, — que pour s’exercer à cette « adaptation. »
Un simple fait, et qui est bien du domaine commun de la physiologie et de la psychologie, — L’inceste, — voilà le sujet de l’ouvrage. Quel inceste ? L’amour d’une femme pour le fils de son mari. Hé ! mais… ce fait-là, chacun sait qu’il a déjà servi pour un poème tragique ; s’il n’en est pas d’autres, parmi les œuvres du répertoire, où la vie du corps se manifeste aussi bien que celle de l’âme, il y a du moins celle-ci, Phèdre :
Je sentis tout mon corps et transir et brûler…
C’est justement, j’imagine, parce que cette matière est celle de
Phèdre, que M. Zola en a fait choix pour son essai de tragédie renouvelée.
Il a trouvé, d’ailleurs, un milieu moderne où le crime antique, s’il se reproduisait, pouvait demeurer intéressant ; il a paru profiter d’un bon avis. « Supposez, avait-on dit[1], que Mlle Rougon-Macquart ayant épousé M. Quenu-Gradelle, charcutier, devienne amoureuse de son beau-fils Quenu-Cradelle, garçon épicier… Le sujet aussitôt devient odieux et repoussant, ou ridicule et grotesque… Dans ce milieu bourgeois, il n’y a pas d’explication psychologique du crime, et l’amour incestueux de la femme Quenu deviendrait une pure dépravation des
- ↑ M. Ferdinand Brunetière, le roman naturaliste ; Calmann Lévy.